Le transport en commun s'ouvre et commence à s'accoutumer avec les mains de la femme. Conductrice de bus et de taxi, grand ou petit, elle a fait ses preuves en défiant toutes les difficultés rencontrées. Témoignage. La femme marocaine accède à des secteurs d'activités qui constituaient jusque-là l'apanage des hommes. Dans le domaine de la conduite en matière de transport en commun, conductrice de bus et de taxi, grand ou petit, elle a brisé les contraintes imposées par les traditions et certaines mentalités dans notre société. Fatima, la doyenne des chauffeuses à Casablanca, a commencé au début des années 90 en tant que conductrice de bus, n° 21, la ligne qui relie le centre-ville au quartier El Oulfa. «Au départ, les usagers du bus ne cachaient pas leur surprise. Ils se demandaient comment une femme se trouve au volant d'un engin, poids lourd, transportant une centaine de personnes lors de chaque voyage. C'était tout naturel, les Marocains n'avaient encore jamais vu une femme chargée d'une telle tâche. Mais par la suite, ils se sont habitués». Quant à la concernée, elle gardera sûrement ses débuts en mémoire. «C'était vraiment très difficile. Le trajet est long. L'horaire ne me convenait pas. Lorsque je travaille le matin, il faut être au dépôt aux environs de quatre heures. Et pendant le soir, c'est pire encore. Je ne rentre qu'après 23 heures», souligne Fatima, en précisant que cette première expérience n'a duré que quelques mois. Veuve et mère de quatre enfants, son travail constitue la seule source pour subvenir aux besoins de la famille. En 1999, elle opte pour le secteur des petits taxis. Elle obtient son permis de confiance et loue un agrément à 2500 dirhams. On la rencontre dans les boulevards et les rues de Casablanca, toujours souriante à ses clients. « Le travail dans le taxi est moins pénible que le bus. Mais là, c'est une autre responsabilité. Il faut mettre de côté les frais de la location et les autres charges et voir ensuite ce que la journée a rapporté. Dans certains cas, je sors déficitaire. Je travaille uniquement pendant le jour jusqu'à 21 heures au maximum, la nuit étant risquée», affirme Fatima. Elle conduit toujours doucement, avec un strict respect du code de la route, et ne s'arrête pas si le client pourrait présenter des risques pour sa sécurité, notamment dans certains quartiers populaires. Ayant maîtrisé les rouages de cette profession, elle a déposé une demande pour l'obtention d'un agrément. A la fin de 2001, son dossier fut accepté par les autorités de tutelle. Et cette date marque une nouvelle étape dans le parcours de la doyenne des chauffeurs de petits taxis à Casablanca. «Maintenant, j'épargne les frais de la location et je ne travaille pas beaucoup. Il faut réserver un peu de temps à mes enfants. Pendant de longues années, j'ai souffert énormément », poursuit Fatima qui organise parfaitement son planning de travail désormais, les jours de repos, les congés, etc. Avec sa persévérance et sa bonne volonté, elle est arrivée à ce stade, prouvant aussi qu'elle est en mesure d'assumer, en dépit de l'étendue des obstacles qui pourraient se dresser devant elle, sa responsabilité dans ce secteur, et de manière exemplaire. Aujourd'hui, elles sont au nombre de huit à exercer cette fonction dans la capitale économique du pays. La place jouxtant la foire de Casablanca est la préférée chez elles. Le lieu en question les met en contact avec une clientèle plus propre. Et pendant la circulation à la recherche des clients, elles sont présentes généralement dans les parages du centre-ville et les principaux boulevards. Prudence oblige, elles évitent souvent les courses à destination de certains quartiers populaires et populeux, notamment vers la fin de la journée. Vu le nombre de petits taxis, environ 7000, qui sillonnent les différents boulevards et les artères de la ville, les mains féminines au volant du taxi ne représentent pas grand-chose. Mais ce n'est qu'un début. Il faut dire, d'une façon générale, que l'accès des femmes à certaines professions qui étaient du seul ressort de l'homme a mis un terme aux allégations selon lesquelles la femme ne peut et ne doit exercer que certaines fonctions bien définies.