Développer l'économie des pays pauvres et préserver l'environnement. Depuis lundi, le Sommet de la terre organisé en Afrique du Sud tente de trouver l'équation idéale après l'échec cuisant de Rio. «Nous habitons la terre, notre seule planète que nous devons remettre en état», avait déclaré en mai dernier Kofi Annan en prélude au sommet de Johannesburg qui s'est ouvert lundi. Le message du secrétaire général des Nations Unies adressé aux grands de ce monde était pour le moins clair : le premier rendez-vous consacré à la terre à Rio, en 1992, avait certes satisfait les rêveurs, mais l'état des lieux, dix années plus tard, est beaucoup moins convaincant. Le bilan est tellement négatif que les diplomates de cette 2ème édition, réunis à huis clos dimanche, ont déjà dû rassurer l'opinion sur les chances de succès de Johannesburg. Jan Pronk, envoyé spécial du secrétaire général de l'ONU, s'est alors déclaré convaincu que cette conférence, à laquelle 104 chefs d'Etat et de gouvernement participent, déboucherait sur un plan de mise en œuvre «crédible» de l'Agenda 21 élaboré au Brésil. Ce plan avait pour ambition de concilier le décollage économique des pays pauvres et la protection de l'environnement. A Rio, les 170 Etats réunis avaient accepté de ramener leurs émissions de gaz à effet de serre au niveau de 1990. Elles ont aujourd'hui progressé de 9 % dans le monde, 18 % pour les seuls Etats-Unis, premier producteur industriel et donc premier pollueur de la planète. Quant à la protection de l'environnement et des espèces en voie de disparition, un tiers des pays signataires de la résolution de 1992 ont à ce jour présenté des plans nationaux crédibles. Conséquences ? En dix années, l'ONU estime que 2,4 % des forêts ont été détruites, soit 89 millions d'hectares, que la pêche est pratiquée de façon trop intensive dans 60 % des espaces marins, et qu'un mammifère sur quatre est menacé de disparition d'ici les 30 prochaines années. Malgré Rio, aujourd'hui, un milliard d'individus n'ont toujours pas accès à l'eau potable, chiffre qui passera à huit milliards d'ici 2025 si rien n'est fait. Ils sont aussi 2,8 milliards à vivre avec moins de 2 dollars par jour selon la Banque mondiale qui a appelé à une augmentation de l'aide au développement vers un plafond 100 milliards de dollars annuels. Côté santé, malgré une régression des maladies contagieuses, 60 millions de personnes ont été contaminées par le virus du sida et 20 millions en sont mortes depuis 1992. Selon l'OMS, le paludisme tue quant à lui 2,7 millions de personnes chaque année, la pollution de l'air trois millions, et celle de l'eau 2,2 millions. Le constat est donc à la mesure de l'immensité du défi que ce 2ème Sommet de la terre entend relever : comment sortir des millions de personnes de la pauvreté tout en sauvegardant l'environnement ? L'hôte de cette édition, le président sud-africain Thabo Mbeki, a déjà appelé dimanche soir les pays riches à mettre un terme à l'«apartheid global» entre une minorité riche et une majorité pauvre : entre le Nord et le Sud. L'absence du président américain George W. Bush à ces travaux suffit à illustrer l'incapacité de certains pays à dépasser leurs intérêts nationaux au profit de résolutions plus globales et plus équitables. Ce qui a provoqué, avant même que le sommet sud-africain n'entame ses discussions, un large scepticisme parmi les observateurs, ONG et milieux associatifs en tête. Ceux-ci voient mal comment les intérêts des pays riches peuvent être conciliés avec ceux des pays pauvres.