Au lendemain de la signature de l'accord-cadre pour le textile, Lahcen Mouzouni, un opérateur économique du secteur, fait une lecture du contexte de sa conclusion et décrit les attentes des uns et des autres. Après un grand retard, le contrat-programme pour le textile vient d'être signé. Le choix de cette période en particulier n'est-il pas guidé par des considérations politiques ? Le temps choisi pour déterrer l'accord-cadre, qui a longtemps végété dans les armoires du ministère du commerce et de l'Industrie peut, en toute légitimité, donner lieu à de multiples interprétations. Aucune décision gouvernementale, à quelques semaines des échéances électorales, n'est innocente, n'est sans arrière-pensées politiques, voire même électorales. Une chose est certaine : le gouvernement de l'alternance ne souhaite pas endosser la responsabilité de l'échec des négociations et être taxé de cécité politique. Pour ne pas succomber à la critique facile, nous dirons que la signature de l'accord-cadre, ici et maintenant entre le gouvernement et l'Amith, est un événement majeur faisant preuve –si cela est nécessaire - d'un degré de maturité et de responsabilité incontestable des partenaires. Ces raisons peuvent au moins légitimer cette action. Nonobstant le volet politique, quel état des lieux peut-on faire du secteur ? La filière textile-habillement a épuisé toutes ses ressources et vire irrémédiablement vers un point de non-retour. En témoignent la fermeture ascendante des unités de production et la désertion des donneurs d'ordre Revenant au contexte de la signature qui a coïncidé avec la nomination d'un nouveau président à la tête de l'Amith… Le gouvernement perçoit en la nouvelle présidence de l'Amith un signe fort. Celle-ci s'est engagée sur une nouvelle voie. Elle a un cahier de doléances mais des objectifs à atteindre en termes de création d'emplois, d'augmentation des exportations, d'investissement. L'Etat n'est plus un donneur providentiel du moment que l'Amith n'est plus un club d'assistés. C'est en fait un nouveau deal dans lequel le principe organisateur est gagnant-gagnant. Il n'est pas certain que l'accord-cadre ait répondu positivement à toutes les doléances de l'association, mais était-ce l'objectif ? Quand on connaît les dédales et rouages de l'appareil de l'Etat, sa réaction épidermique, souvent négative à répondre rapidement à tout changement, on peut considérer que l'Amith a gagné la première manche. Désormais l'Etat a reconnu par les actes que la filière du textile et de l'habillement est l'épine dorsale de l'économie marocaine. Elle constitue à elle seule 21 % du tissu industriel national et emploie 193.000 personnes. S'agissant des employés, qu'en est-il de la question sociale dans les négociations entre le gouvernement et le patronat ? Sas vouloir être pessimiste, cet accord n'aura aucun effet si au préalable un accord courageux et historique n'est pas signé entre l'Amith et les centrales syndicales, sur la réglementation des grèves et l'occupation des usines.