Il paraît inconcevable qu'une amitié puisse être bradée pour dix dirhams. Le crime qui a eu lieu au douar Sidi Taybi, à Sidi Maârouf,prouve que c'est, hélas, possible. «Allô, police ? Un meurtre s'est produit au douar Sidi Taybi, à Sidi Maârouf ». Le policier de permanence qui se charge, en ce jour de septembre, de la salle de trafic au commissariat de police de Hay Hassani-Aïn Chok, n'a pu recueillir d'autres détails, car la personne qui était à l'autre bout de fil a raccroché. S'agit-il d'un vrai fait divers ou seulement d'un canular ? La réponse n'a pu être connue qu'une fois les policiers sur les lieux indiqués. 21h. Des éléments de la PJ sont dépêchés au douar. Ses habitants sont tous dehors attroupés autour d'un cadavre. Le chef de la brigade et ses limiers tentent de les disperser pour entamer leur enquête par le constat d'usage. L'un des enquêteurs note sur son calepin que la victime s'appelait Salah, 25 ans, célibataire. Que le cadavre était étendu sur le dos et qu'il présentait les traces de deux coups à la nuque assenés par un objet lourd. Aussitôt, le chef de brigade s'est mis à rechercher des témoins. Mais en vain. Personne ne voulait rien dire. Pourquoi ? Ils avaient peur de se voir convoqués par les policiers tout au long de l'enquête et préféraient tenir leurs langues. Le chef de la brigade fait venir un fourgon mortuaire pour le transport du cadavre vers l'hôpital médico-légal d'Aïn Chock pour le soumettre à l'autopsie d'usage. Le lendemain matin, une femme s'est présentée devant le chef de la brigade. « J'ai vu, hier vers 21h30mn, Mustapha en compagnie de Salah». Elle était sortie de chez elle, au douar Sidi Taybi, pour faire des courses. A son retour, elle a remarqué Mustapha qui saisissait Salah par les vêtements et le conduisait chez lui. « Je crois que Salah était, avant l'arrivée de Mustapha, en conflit avec une autre personne que je ne connais pas », a-t-elle déclaré à la police. « C'est un important témoignage », juge le chef de la brigade qui n'a pas caché sa joie de pouvoir enfin identifier l'auteur du crime. Le même jour, dans l'après-midi, les enquêteurs se sont déplacés au domicile de Mustapha qui a répondu à leur convocation. «Que faisais-tu avec Salah et qui l'a tué ? » lui demande le chef de la brigade. Mustapha était, cette nuit-là, avec des invités dans une tente caïdale dressée par une famille du douar qui organisait la nuit de noces de sa fille. Il dansait, quand subitement il a entendu des cris. Il n'a pas hésité une seconde à sortir pour savoir ce qui se passe. « J'ai trouvé Salah et Mourad qui se bagarraient, entourés de badauds », déclare-t-il. Il s'agissait de voisins. Ce qui l'a encouragé à chercher à les séparer. Cependant, il fut pris de vitesse par Mourad qui a asséné deux coups de couteau à son ami. Pourquoi ? Mustapha ignorait la raison. L'auteur du crime est désormais identifié et son arrestation n'est qu'une question de temps. Les enquêteurs l'ont cherché en vain chez lui, chez ses amis, à la gare routière, dans des terrains vagues. Deux jours plus tard l'accusé s'est présenté de son plein gré aux enquêteurs. «J'ai tué Salah », avoua-t-il. Amis depuis leur tendre enfance, ils se rencontraient souvent pour s'enivrer. «J'avais en ma possession, la nuit du crime, une bouteille de vin ; je lui ai demandé de participer à hauteur de 25 dirhams afin d'accompagner le rouge avec des sandwiches et du fromage… », expliqua-t-il aux enquêteurs. Il s'est exécuté et nous avons commencé à nous enivrer sans le moindre problème. Il lui a demandé encore 10 dirhams. Salah s'et mis à l'injurier et l'insulter. L'invective cède la place aux mains provoquant l'intervention de Mustapha. Mourad s'est rendu chez un boucher pour lui dérober un couteau avant de se diriger vers Salah, toujours accompagné de Mustapha, pour le poignarder à deux reprises. Un crime pour dix malheureux dirhams.