À 70 ans, Houcine Benjelloun, président du groupe Forafric et, par ailleurs, doyen des consuls honoraires au Maroc vient d'être nommé Chevalier de la Légion d'honneur. Homme d'affaires avisé, il n'en est pas moins, un homme de valeur. Itinéraire d'un homme discret. Il ne fait que peu ou pas parler de lui. Pourtant, il est à la tête d'un groupe leader sur son secteur et classé 33e en terme de chiffre d'affaires au Maroc, avec près de 2 milliards de DH. Homme d'affaire avisé, avec à sa solde plusieurs réalisations dans différents domaines comme l'assurance, la distribution, l'automobile, et dernièrement la finance avec la société de bourse Finergy, il n'en est pas moins un homme de valeur. Houcine Benjelloun, président du groupe Forafric et, par ailleurs, Doyen des Consuls honoraires au Maroc au nom du grand pays musulman, le Pakistan, aura pourtant occupé plus d'un poste, défendu plus d'une cause et dirigé plus d'une activité. Homme fort des céréales au Maroc, c'est aussi, un golfeur attitré. Cette passion, dont il est l'un de premiers pratiquants au Maroc, l'a doté d'une forme physique et mentale à toute épreuve. Discret, il sera passé inaperçu pendant plus de 70 ans, n'était-ce une consécration venue d'ailleurs qui risque fort de rompre avec cette discrétion cultivée pendant des décennies. Comme marque de reconnaissance, la République Française vient de le nommer Chevalier de la Légion d'honneur. Il faut, pour être nommé chevalier, avoir exercé pendant vingt ans des fonctions civiles (pour les fonctionnaires) ou militaires ou avoir vingt ans de pratique professionnelle, assortis dans tous les cas de mérites éminents. Dans un secteur miné par les affaires des minotiers, cette distinction vient assurément récompenser des qualités bien réelles. D'ailleurs, elle ne peut être donnée que sur la base de valeurs très solides, condition sine qua non pour appartenir à un ordre dont le maître mot est l'Honneur. Les insignes de Chevalier lui seront remis par Jean Louis Vilgrain président du groupe J.L.Vilgrain en présence des Présidents et Directeurs de la S.C.A.E.L et de la S.A. LECUREUR, le mercredi 8 octobre 2003 à Paris. Avec son humilité singulière, Houcine Benjelloun estime que « la Légion d'honneur ne se demande pas, elle se subit », prenant au passage le soin de préciser que « c'est un honneur pour la profession. Cette décoration vient récompenser plus de trois décennies au service d'un métier où ceux qui ont pu résister aux tentations ne sont pas légion ». Son regard sur son domaine d'activité en particulier et sur le capitalisme marocain en général est des plus critiques. La vision court-termiste des entrepreneurs marocains, selon son expérience, n'obéit à aucune logique économique. La justice est, à son sens, le Talon d'Achille de l'entrepreunariat national. Un danger réel guette le monde des affaires au Maroc. La malhonnêteté pousse à un endettement excessif auprès des fournisseurs notamment. «Une fois le seuil maximal atteint, la clef est mise sous le paillasson ou tout simplement la liquidation judiciaire est prononcée avec des complicités à tous les niveaux. Si le gouvernement ne prend pas de décision responsable pour lutter contre ce fléau, élevé au rang de sport national, nous courons tous à notre perte », estime Houcine Benjelloun qui n'hésite pas à formuler le vœu d'une mise sur pied d'un « Tribunal pour les crimes financiers ». Son regard sur son secteur propre d'activité est aussi sans concession. « Dans la minoterie, la plupart des minotiers qui n'ont pas investi tant qu'ils le pouvaient seront assurément dépassés ». Cette fermeté, Houcine Benjelloun est convaincu qu'il la doit à sa réputation, clef de tout rapport fructueux avec les créanciers, à son éthique qui fait la différence sur le marché et surtout derrière la longévité du groupe passé sous contrôle de sa famille depuis 1973, mais « essentiellement à la gestion collégiale où chaque membre de la famille tire sur un bout. La confiance est l'une des composantes essentielles de notre métier très capitalistique », tient-il à préciser. Sa reconnaissance va à ses quatre filles qui, chacune avec son savoir acquis dans les grandes écoles internationales, a fini par avoir un apport réel pour l'activité du groupe. « J'ai eu la chance également d'avoir un gendre qui, depuis 18 ans, ne ménage aucun effort pour développer, structurer et maintenir le groupe », témoigne le président de Forafric pour qui la fidélité, l'honnêteté et le respect de la parole donnée passent en premier. Toutefois, et loin de tout paternalisme, le regard du doyen des Consuls au Maroc sur la gestion familiale est bien lucide. « Malheureusement, l'histoire de notre pays nous apprend qu'une génération construit, la seconde vient en profiter alors que la troisième détruit», affirme-t-il non sans amertume. Pour lui, le capital financier existe, mais le capital humain manque d'éducation et d'accompagnement de base. « C'est pourquoi, l'esprit qui doit animer tous les collaborateurs est un rapport win-win. Il faut être juste », précise-t-il. Mais avec un optimisme éclairé, Houcine Benjelloun laisse entendre que certaines familles ont bien préparé la relève. Les Ghazali, Akhenouch, Amhal ou Raji, sont autant d'exemples à suivre…Mais gare à la mondialisation. «C'est notre pire ennemi. Elle risque de nous balayer tous. Je crains que si elle continue de cette manière, nous deviendrons tous des employés de multinationales. Le meilleur d'entre nous sera directeur, non pas grâce à sa compétence, mais à cause du faible coût qu'il représente», conclut Houcine Benjelloun. Instructif.