Mohammed Abed al-Jabri, l'un des philosophes fondateurs de la pensée arabe moderne, s'intéresse dans ses «Positions : témoignages et mises en lumière» à l'histoire contemporaine du Maroc. Il nous la présente avec cette acuité et cette pertinence qui ont fait sa renommée de penseur perspicace. De mater l'Istiqlal à couper les ailes à l'UNFP Ce changement intervenu au niveau de la présence populaire de l'Istiqlal en entraînera, en réaction, un autre au niveau de l'action de la Troisième force. L'ancienne manœuvre visant à mater le parti n'ayant pas donné les fruits escomptés, on s'attelait maintenant à une nouvelle tâche : celle de couper les ailes à cette nouvelle entité politique populaire -l'Intifada, puis l'UNFP- s'étant élevée pour livrer la bataille que les dirigeants de l'Istiqlal avaient hésité, et même renoncé à livrer. La bataille consistant à libérer l'économie nationale et à l'édifier sur la base de dispositions populaires ; à œuvrer au retrait des armées étrangères demeurant sur le sol national; à pouvoir la révolution algérienne d'aide et de soutien ; à préparer des élections ; enfin, à établir pour le pays une Constitution apte à doter la Monarchie marocaine -déjà forte de sa légitimité démocratique. Ce qui revenait, en bref, à restructurer le système gouvernemental du Maroc, afin qu'il pût être évoqué, non en termes de description baroque, mais plutôt en ceux de la lutte continuelle pour l'élection d'une Assemblée constituante chargée d'établir une Constitution démocratique. Les leaders de la Troisième force œuvreront à mettre en échec les efforts de libération déployés par le gouvernement Ibrahim. Pour ce faire, ils mobiliseront les éléments libéraux -Guédira en tête- et adopteront une politique de répression policière méthodique, visant à démanteler une des principales forces constituant l'UNFP : la résistance, en tant qu'hommes, qu'actif historique et que rayonnement. Le second volume de cette série était consacré à la campagne de répression dont les résistants avaient fait l'objet. Nous consacrerons les pages suivantes du présent volume à la lutte que le gouvernement Ibrahim -et avec lui al-Tahrir et l'ensemble de l'UNFP- devaient mener pour l'adoption d'une politique libératrice dans le domaine économique comme dans les autres domaines. 17- Triple alliance contre la libération économique Le premier numéro de al-Tahrir paraîtra treize semaines après l'investiture du gouvernement Ibrahim -neuf après l'Intifada du 25 jenvier. Feu Abderrahim Bouabid avait mis en place un plan économique biennal, définissant l'orientation de l'action gouvernementale durant les deux années nécessaires à la préparation du plan quinquennal 1960-1965, destiné à permettre au Maroc de se départir de sa condition de pays sous-développé, entièrement tributaire des puissances colonialistes, pour accéder à celle d'Etat angagé sur la voie du développement véritable et de l'essor englobant tous les domaines de la vie. • Par Mohammed Abed al-Jabri