Les coopératives qui réalisent un chiffre d'affaires de plus d'un million de Dhs ne seront plus exonérées de l'IS et de la TVA. Ainsi en a décidé le ministère des Finances et de la Privatisation qui a inscrit cette mesure dans le nouveau projet du budget 2005. Régime attrayant, les coopératives sont devenues un moyen pour échapper à l'impôt. Selon ses promoteurs, cette nouvelle mesure vise à introduire une équité fiscale dans le circuit économique. Mais il en faut plus pour arriver à cet objectif. «Je ne suis pas le directeur des exonérations mais bien celui des impôts », avait clairement notifié Noureddine Bensouda, directeur général des Impôts, lors de la réunion annuelle avec les membres de la Chambre française du Commerce au Maroc. Devenue une tradition, cette réunion permet de faire le bilan de l'exercice fiscal passé. Fidel à ses engagements, il semblerait, encore une fois, que de nouvelles mesures concrètes initiées par la direction des impôts seront mises en chantier. Le projet de loi de finances 2005 porte en son sein une batterie de nouvelles mesures à même de baliser le chemin devant le tant attendu code fiscal. Le livre de procédures est ainsi annoncé pour cette année. Chose aussi notable, la philosophie fiscale tend à substituer le vocable de contribuable à celui de redevable. Par contre, l'équité fiscale est en passe d'être une réalité palpable sur le terrain. L'une des principales mesures visant l'élargissement de l'assiette fiscale, si elle est validée à l'issue de l'itinéraire normal de la loi de Finances, est l'alignement des coopératives sur le régime général. Le projet de loi des finances 2005 compte supprimer l'exonération accordée, en matière de Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) et d'Impôt sur les Sociétés (IS), à l'ensemble des coopératives réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 1 million de DH. L'intérêt d'une telle mesure est de rétablir la concurrence dans plusieurs branches d'activités. Toutefois, elle viendrait répondre aux vœux de plusieurs opérateurs, laitiers notamment, qui n'ont de cesse de décrier des situations de concurrence déloyale. En effet, l'Etat accorde plusieurs avantages aux groupements organisés sous forme de coopératives. Au fil des années, les coopératives, agricoles en général et laitières plus précisément, ont évolué vers des formes d'organisation capitalistes en développant une autonomie progressive vis-à-vis des petits éleveurs à l'origine de leur constitution. Ainsi, plusieurs manquements ont été relevés : l'alignement des politiques de prix, croissance rapide et la faible rémunération des éleveurs adhérents, gains de productivité réalisés n'entraînent pas forcément l'augmentation du revenu des éleveurs parce qu'investis dans des augmentations de capacités. Dans le secteur artisanal, les 335 coopératives rassemblent 23 000 artisans. Toutefois, l'entreprise artisanale est ainsi définie : “Toute entreprise réalisant un investissement par emploi inférieur à 5000 DH, un investissement productif de moins de 100 000 Dh et se caractérisant par une activité artisanale”. D'où l'intérêt de les regrouper, sous forme de coopératives, afin d'avoir une taille critique à même de diminuer les prix des intrants et d'avoir une capacité de négociation. 500 000 entreprises artisanales contribuent pour 15% au PIB et nourrissent 1 Marocain sur cinq. En milieu urbain, c'est un ménage sur trois qui est concerné. On parle d'1 million d'artisans. Or le secteur coopératif dans le domaine laitier a fini par représenter plus de 40% de la capacité de transformation nationale. Il existe une grande disparité puisqu'une coopérative (Bonlait localisée à Marrakech) sur les 19 existantes représentait 34% de la capacité de production totale du secteur et collecte 50% du volume global collecté par toutes les coopératives. Mieux encore, la coopérative du Souss, Copag plus connue pour ses produits Jawda, a battu tous les records. C'est dire les chiffres d'affaires générés, tout en bénéficiant d'un régime fiscal avantageux. Cette situation pouvait assurément être préservée si, toutefois, l'Office du Développement de la Coopération (ODCO) qui dispose de Délégations régionales dans les principales régions du Maroc, remplissait ses fonctions. Une taxe parafiscale, de 2% de l'excédant net de la coopérative, a été instaurée depuis 1997. Les sommes collectées pour le compte du Trésor public par l'ODCO n'ont pas excédé les 7MDH, un montant dérisoire vu les montants actuels. Cet argument a d'ailleurs été utilisé par le ministère des Finances pour justifier la taxation annoncée des coopératives. « Il faut par contre faire la part des choses», estime un analyste financier. Cette mesure, si elle est appliquée, donnerait lieu à des fraudes multiples. L'agriculteur en serait la principale victime. La coopérative serait tentée de répercuter l'imposition sur ses membres. Une baisse de revenus en serait la résultante. «En France, un impôt sur les sociétés à taux variables a été une bonne solution. En voulant remédier à une situation de concurrence déloyale bien réelle, il ne faut cependant pas faire subir aux coopérants les excès de certaines coopératives», ajoute l'analyste financier.