Ariel Sharon a applaudi mardi la liquidation d'un chef du Hamas dans un raid aérien qui a tué la veille quatorze autres personnes, dont plusieurs enfants à Gaza, soulignant qu'il s'agit de l'une «des opérations les plus réussies» de l'armée. Rien d'étonnant. Triomphal, Sharon a affirmé, lors d'un conseil des ministres : «nous avons frappé le plus haut responsable opérationnel du Hamas, qui avait notamment procédé à la réorganisation des forces du Hamas dans le nord de la Cisjordanie, outre ses activités dans la bande de Gaza». Il faisait référence à Salah Chéhadé, le chef des brigades Ezzedine Al-Qassam, la branche armée du Hamas. «Je répète que l'on ne peut pas arriver à la paix en faisant des concessions au terrorisme, qu'il faut combattre et vaincre», a martelé le Premier ministre israélien. Ce faisant, Sharon se situe dans le droit fil d'une vie tout entière consacrée au combat contre les Arabes. Des incursions au-delà des frontières, dans les années 1950, à la tête de l'unité militaire 101, de sinistre réputation, jusqu'à sa politique comme Premier ministre, en passant par les massacres de Sabra et Chatila, sa méthode n'a pas changé : l'usage de la force et de la destruction, sur fond de mépris pour la vie de ses adversaires arabes. Et d'appeler l'armée et la police à se mettre «en état d'alerte total», en allusion aux appels à la vengeance des Palestiniens. A propos du bilan sanglant de ce raid, il a souligné qu'Israël «n'a aucune intention de porter atteinte à des civils et nous sommes toujours désolés pour ceux qui sont touchés». Touchant. Mais personne n'est dupe. Auparavant, la radio publique avait indiqué que Sharon et son ministre de la Défense Binyamin Ben Eliezer avaient donné «personnellement» leur feu vert à la liquidation de Chéhadé. Ben Eliezer a estimé lors du conseil des ministres que «l'élimination de Chéhadé était nécessaire pour empêcher de nouveaux attentats qu'il préparait». «Nous n'avions pas l'intention de frapper des civils. Selon les informations dont nous disposions, ces civils ne devaient pas être là», a-t-il dit. Pour sa part, le ministre de l'intérieur, Eli Yishaï, membre du cabinet de sécurité, a confirmé à la radio militaire que le cabinet de sécurité n'avait pas été consulté avant le lancement de ce raid, qui est révélateur de la personnalité criminelle d'Ariel Sharon. Celui-ci n'en fait d'ailleurs pas grand mystère dès lors qu'il s'agit de casser du Palestinien. N'avait-il pas déclaré, il y a quelque temps, dans un entretien publié par le quotidien «Maariv», qu'il était «navré» de n'avoir pas éliminé Yasser Arafat au Liban ? Une foule de petits signes indiquent que le souvenir du Sharon de la guerre du Liban -et de Sabra et Chatila-, en 1982, revient dans les têtes, celles de ses partisans, qui espèrent qu'il va finir le boulot - liquider la direction palestinienne -, comme de ses adversaires, qui craignent une nouvelle «aventure calamiteuse». Force est également de constater que chaque fois que l'on se rapproche d'un espoir d'entente, voire d'accord, Sharon est toujours là pour «faire le ménage». Dans le cas d'espèce, Israéliens et Palestiniens venaient de reprendre langue. Le chef de la diplomatie, Shimon Peres, qui n'avait toujours pas commenté l'attaque israélienne, avait pris part à ces discussions et avait fait part d'un optimisme certes mesuré, mais qui était déjà un point de départ. La brute épaisse y a mis fin.