La reconnaissance de la prétendue RASD par l'Afrique du Sud entre dans le cadre plus global d'enjeux géostratégiques entre Alger et Pretoria dont notre diplomatie n'a pas pu maîtriser l'issue. Explications. La reconnaissance par l'Afrique du Sud de la fantomatique "république arabe sahraouie démocratique" (Rasd) est une décision qui est incontestablement déplorable et condamnable. Elle est anachronique et ne sert nullement les intérêts de l'Afrique à un moment où ce continent a plus besoin d'unité que de division. Et nul ne peut contester le caractère hostile d'une telle initiative de la part des dirigeants sud-africains. Mais, il faut reconnaître qu'un fait aussi grave devrait faire l'objet d'une réflexion sérieuse et d'une analyse approfondie, afin de déterminer les causes de ce revers subi par la diplomatie marocaine, car, il s'agit bien d'un acte qui mérite que l'on s'y attarde un peu le temps d'en analyser les causes et d'en tirer des leçons. Pour ce faire, il suffit de se poser les bonnes questions, à savoir : pourquoi et comment cette décision a-t-elle été prise et qu'est ce que l'on aurait pu faire pour dissuader l'Afrique du Sud de la prendre ? Des questions que le ministre des Affaires étrangères est censé se poser, car, le moment est à l'autocritique. Des questions que devraient se poser aussi nos partis politiques qui, aujourd'hui, se contentent de diffuser des communiqués pour condamner la décision sud-africaine, alors qu'ils sont aussi censés agir dans le cadre de la diplomatie partisane ou parlementaire pour expliquer la légitimité de la position marocaine. Cette dernière commettrait une aberration dans le cas où elle considérerait que la décision sud-africaine est due uniquement à une certaine hostilité circonstancielle envers le Maroc. L'affirmer relève de l'immaturité politique. Assumer la responsabilité de ses erreurs est un acte de sagesse. Les faire endosser à l'autre relève de l'irresponsabilité. L'Afrique du Sud est un pays que l'on savait proche de la thèse des séparatistes de Tindouf. Mais, c'est aussi un pays dont nul n'ignore l'ambition de devenir le leader de l'Afrique. Ce sont là deux éléments que la diplomatie marocaine devait prendre en considération dans l'entretien de ses relations avec ce pays. Approcher Pretoria et la faire rallier à notre cause nationale en lui expliquant la légitimité de notre position devait donc se faire dans le cadre de ces deux axes. Ainsi, en ce qui concerne la prédisposition de ce pays à reconnaître la Rasd, il s'est avéré qu'on le savait depuis plus d'une décennie et que rien n'a été fait pour éviter le pire. Rappelons à ce propos que le polisario dispose, depuis 1994, d'une représentation officielle à Pretoria. Pourtant, durant les dix dernières années, le ministre des Affaires étrangères ne s'est jamais déplacé en Afrique du Sud. Une attitude passive qui est plus que déplorable. S'agissant de la question du leadership en Afrique, il est évident qu'il y a un problème d'appréciation et d'approche de la part du ministère des Affaires étrangères. Le Maroc est un pays qui joue certes un rôle de premier plan en Afrique et qui a une dimension africaine très importante, mais son leadership n'a jamais été à vocation hégémonique. C'est tout à fait le contraire de l'approche algérienne en la matière. Le leadership marocain a une vocation spirituelle qui existe depuis plusieurs siècles, alors que celui de l'Algérie est purement artificiel et circonstanciel. Le Maroc n'est donc pas un concurrent de Pretoria. Et c'est plutôt l'Algérie qui constitue un adversaire réel pour ce pays puisque les deux cherchent à s'imposer en tant que plate-forme des mutations politiques et du développement économique du continent. D'ailleurs, l'une des raisons qui ont poussé l'Afrique du Sud à reconnaître la fantomatique Rasd est le fait qu'elle cherche à avoir une présence en Afrique du Nord. Car, s'il existe un handicap qui freine l'épanouissement du rêve sud-africain de diriger l'Afrique, c'est bien la distance qui le sépare du nord de ce continent et donc de l'Europe. Ainsi, devenir un interlocuteur incontournable de l'UE ou des Etats-Unis nécessite une présence économique, géographique et politique tant au Nord qu'au Sud. Ce qui n'est pas le cas de l'Afrique du Sud. D'ailleurs, il est erroné de parler d'une alliance algéro-sud-africaine sur cette question. La vérité est que, en reconnaissant la prétendue Rasd, Pretoria est entrée en concurrence directe avec Alger, car chacun des deux pays tente d'utiliser la question du Sahara à des fins géostratégiques qui ne servent pas forcément les intérêts de l'autre. Ainsi, pour notre diplomatie, la stratégie idéale aurait été de devenir cet allié que l'Afrique du Sud cherchait à avoir en Afrique du Nord. Ce qui n'a pas été le cas. S'agit-il d'une erreur d'appréciation ou d'une négligence ? En tout cas, il faut reconnaître que la machine diplomatique présente des défaillances auxquelles il faut remédier d'urgence. SM le Roi Mohammed VI a d'ailleurs appelé, à maintes reprises, à une mise à niveau de l'appareil diplomatique marocain. Toutefois, le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération est toujours incapable de présenter un projet de réforme qui répond aux instructions du Souverain. Il est temps alors de procéder à une autocritique et de se pencher sérieusement sur les carences dont souffre la diplomatie marocaine. Une révision dont S.M le Roi a tracé les grandes lignes dans le dernier discours du Trône.