Le dossier du Sahara a été bousculé, mercredi, par la reconnaissance sud-africaine de la pseudo-république sahraouie. Cette reconnaissance, très applaudie par Alger, signe-t-elle l'échec de la diplomatie marocaine? Quelle mouche a donc piqué l'Afrique du Sud ? Contre toute attente, Pretoria a annoncé mercredi, par la voix de la ministre sud-africaine des Affaires étrangères Nkosazana Dlamini-Zuma, sa décision de reconnaître officiellement la rasd, prétendue république autoproclamée en 1975 par le polisario. Mme Dlamini-Zuma a justifié la décision de son pays par sa volonté de se conformer aux «principes et les objectifs de l'Union africaine (UA) et des Nations Unies (ONU)». Elle a ajouté que cette décision entrait en vigueur à partir de mercredi, jour de l'établissement des relations au niveau d'ambassadeurs entre la patrie de Nelson Mandela et le polisario. La ministre a indiqué qu'elle espérait que cette décision ne serait pas à l'origine d'une «discorde» entre Pretoria et Rabat. Elle l'a été. Quelques heures seulement après l'annonce sud-africaine, le Royaume a rappelé son ambassadeur à Pretoria pour «consultation». Dans un communiqué, le ministère des Affaires étrangères a déploré une décision «partiale, surprenante et inopportune» et exprimé «sa déception face à la nouvelle politique extérieure du gouvernement sud-africain». Le communiqué souligne que la reconnaissance de la pseudo «rasd» par Pretoria s'inscrit à contre-courant de la tendance internationale : de nombreux pays ont retiré leur reconnaissance au prétendu pays du polisario. Le ministère des Affaires étrangères souligne aussi que l'Afrique du Sud a la mémoire courte. Le Maroc a toujours soutenu la lutte du peuple sud-africain contre l'apartheid. Il ajoute que l'Afrique du Sud avait pris l'initiative d'accueillir une réunion à Pretoria entre les Marocains et les chefs du polisario. Les dates proposées pour cette rencontre, 6 et 7 septembre, coïncidaient avec la visite du représentant personnel de Kofi Annan pour le Sahara, Alvaro de Soto. Les chargés marocains du dossier du Sahara ne pouvaient être à la fois à Rabat et à Pretoria. Mais ont-ils clairement expliqué aux Sud-africains les raisons de ce rendez-vous manqué ? Autre chose qui surprend dans la décision de Pretoria : son timing. Elle intervient le même jour où Alvaro de Soto tenait une conférence de presse à Alger. A l'issue de ses entretiens avec le chef de la diplomatie algérienne, l'envoyé onusien a affirmé : «Je suis venu, mandaté par le secrétaire général de l'ONU, afin de chercher avec les parties en conflit dans le Sahara et avec les pays voisins une solution politique qui soit mutuellement acceptable, reposant évidemment sur le principe du droit à l'autodétermination du peuple sahraoui». Cette déclaration est saluée avec des hourrahs par la presse algérienne, parue le jeudi. Elle ne se distingue pas pourtant des déclarations des anciens envoyés onusiens. Et ce qui peut ressembler à un mercredi noir pour la diplomatie marocaine est en réalité le jour d'une victoire sur le terrain des vraies acteurs du dossier du Sahara. Le ministre espagnol des Affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos, vient de désacraliser le plan Baker II que certains voudraient tenir pour immuable. Ce plan est «un point de référence, mais ce sont les parties qui doivent décider si il faut l'adapter, l'améliorer, l'enrichir (...) et, en conséquence, rien dans la vie n'est sacro-saint », a expliqué le chef de la diplomatie espagnole. Ces propos confortent la position du Maroc qui juge ce plan inapplicable et préconise une large autonomie pour le Sahara. Lé décision de Pretoria reflète aussi une mauvaise connaissance du terrain. Les Sahraouis vivent souverains dans leur pays. Ils y sont attachés et déplorent le sort de ceux d'entre eux qui sont domestiqués en Algérie. Ce pays a dû monnayer au prix fort la reconnaissance de Pretoria. L'Afrique du Sud est en effet l'un des principaux fournisseurs d'armes de l'Algérie. Les deux pays ambitionnent de contrôler l'UA. Il ne saurait pourtant y avoir d'Union Africaine, fondée sur une animosité déclarée au Maroc – un pays important du continent. Quant à la rasd, ces lettres sont minuscules et prononcées seulement par une poignée de pays. Les grandes nations ne l'ont jamais reconnue et il n'est pas admis à l'ONU. L'escarmouche de Pretoria, soufflée par Alger, est néanmoins à prendre au sérieux. Elle devrait conduire notre diplomatie à plus de vigilance, de fermeté et de doigté pour clore définitivement le dossier du Sahara.