La rencontre de Rabat entre les ministres des Affaires étrangères du Maroc et de l'Espagne sera-t-elle à même de panser les blessures du passé ? Ce n'est pas un point à l'ordre du jour, mais un objectif à atteindre. Un historien avait dit que «Lorsqu'on a l'habitude de faire la guerre avec son voisin pendant des siècles, on a l'impression qu'on ne peut avoir d'autre ennemi que lui». Cela est totalement vrai en ce qui concerne la relation du Maroc à l'Espagne, deux pays riverains qui ont vécu plusieurs moments de guerre durant les six derniers siècles. Quatre -vingt-une années, se sont écoulées depuis l'avènement de la bataille d'Anoual, en ce 21 juillet 1921, entre les forces colonialistes espagnoles et les nationalistes marocains, conduits par le héros du Rif, Abdelkérim El Khettabi, pourtant, les conséquences de cet événement sont encore vivaces dans la mémoire collective des deux peuples riverains. En dépit des invasions perpétrées par les forces coloniales espagnoles à l'encontre du peuple marocain, aucune guerre n'a fait autant de mal à ces envahisseurs que celle du rif durant le début du siècle dernier. Lors de la campagne dite de pacification, dans sa zone d'influence au Maroc, rapporte l'historien Abdelmajid Benjelloun dans une étude, l'Espagne a dépensé 6 milliards de pesetas, dans la période 1909-1924; ce qui représente une moyenne annuelle de 400 millions de pesetas, soit environ 2 % de son revenu national. Et de rapporter que dans une entrevue entre le Maréchal Lyautey et le roi Alphonse XIII d'Espagne, datée du 6 octobre 1913, le porte-parole français a précisé que la France avait 56.000 hommes, dont 20.000 à peine de troupe blanche ; alors que pour une superficie cinq fois moindre, l'Espagne avait 80.000 et uniquement de troupes espagnoles et ayant déjà perdu dix fois plus de monde que la France. Lors de la bataille d'Anoual, les troupes espagnoles, constituées de quelque 60.000, ont accusé l'une des défaites les plus spectaculaires au monde. Outre le suicide présumé du Général Sylvester, 20.000 soldats espagnols ont trouvé la mort et 1500 se sont constitué prisonniers. Il a fallu donc que les principales forces d'occupation régionale, à l'époque, se réunissent, conjuguent leurs efforts et mobilisent tout leur potentiel humain et leur dispositif militaire pour arrêter l'élan la révolte du Rif. En 1925, les combattants rifains ne se trouvaient plus qu'à 40 km. de la ville de Fès, à l'époque capitale de l'Empire chérifien. En juillet de la même année, les Français signèrent avec les Espagnols un accord militaire à Madrid, mettant en œuvre des moyens considérables estimés à 100.000 hommes du côté espagnol ; alors que les effectifs français étaient de 100.000 hommes au début, portés ensuite à 160.000, puis en 1925, à 325.000 hommes de troupes régulières et 400.000 supplétifs. En revanche, Mohamed Ben Abdelkrim «ne disposant en tout et pour tout que de 75.000 hommes, mais ne déployant jamais à la fois, plus de 20 à 30.000 fusils» En mai 1926, suite à l'usage d'armes chimiques interdites à l'échelon international, le Rif tombe entre les mains des colons et son héros, Mohamed Ben Abdelkerim Al khettabi, s'est fait capturer et exilé à l'Île de la Réunion, avant de rejoindre l'Egypte . Le pays qui l'a accueilli jusqu'à sa mort en février 1963 et continue jusqu'à aujourd'hui à abriter sa dépouille.