La presse européenne s'est montrée particulièrement critique à l'égard de Madrid. Le Financial Times écrivait jeudi que l'intervention militaire espagnole sur l'îlot Leïla est «une acte de folie» de la part du Premier ministre espagnol José Maria Aznar. Le quotidien britannique des affaires estime que «faire prendre d'assaut par des forces spéciales une île dépourvue d'intérêt stratégique a peut-être sauvé la fierté castillane du Premier ministre, mais cela ne peut aider les intérêts à long terme ni de l'Espagne, ni de l'Europe». Et de souligner que l'occupation initiale de l'île par des soldats marocains était «mal avisée». Mais il ajoute que la réponse espagnole va, quant à elle interdire, toute solution «civilisée et diplomatique» aux revendications marocaines sur les enclaves espagnoles de Sebta et de Melilla. «L'Europe n'a pas besoin d'une nouvelle source de tension avec le monde arabe», écrit le journal en référence à la défiance nourrie depuis les attentats du 11 septembre. Pour sa part, le quotidien The Independent fait un constat similaire dans un long article consacré à la crise maroco-espagnole. «Personne ne peut encore dire quelles seront les conséquences de la brutale réponse espagnole à l'action du Maroc la semaine dernière», écrit John Carlin dans son article. «Mais avec l'accord de l'OTAN, de l'UE et des Etats-Unis, un coin a été enfoncé, sur ce bout de mer entre l'Occident et le monde arabe, et les relations entre les deux sont aujourd'hui un peu plus mauvaises qu'elles ne l'étaient auparavant», selon cet article. Pour sa part, le quotidien conservateur allemand «Frankfurter Allgemeine Zeitung» affirme, que l'Espagne avait engagé un important dispositif militaire pour un îlot, qu'une semaine auparavant, même les fonctionnaires du ministère espagnol des affaires étrangères n'en connaissaient pas l'existence. Dans un article sous le titre «Espagne-Maroc: duel sur l'île de persil», le journal a notamment donné la parole à une Marocaine habitant à quelques 200 mètres de l'îlot et dont «les chèvres broutent depuis des années l'herbe sur l'îlot». «L'Espagne avait mobilisé six navires de guerre, 800 soldats, des troupes d'élite ainsi que des hélicoptères», écrit le journal, qui ajoute : «tout cela à cause d'un îlot qui n'est pas indiqué sur de nombreuse cartes». D'un autre côté le quotidien tunisien «Le Temps» estime que le gouvernement espagnol a «opté pour l'usage disproportionné de la force, utilisant une armada aérienne et maritime pour chasser six soldats marocains de l'île Perejil, revendiquée par le Maroc». Dans un éditorial consacré à la «crise maroco-espagnole» à propos de l'îlot Leïla, le journal tunisien de langue française relève que «rien ne laissait prévoir une détérioration aussi soudaine» des relations entre les deux pays. «A moins que d'autres sujets de discorde plus profonds entre Rabat et Madrid n'aient conduit à ce durcissement», poursuit Le Temps qui relève que derrière la crise à propos de cet îlot «se profile une revendication marocaine de révision des statuts de ce que l'on appelle enclaves espagnoles en terre marocaine». «Tout porte à croire que le Maroc, en dérangeant +le statu quo+ sur l'îlot, regarde du côté de Sebta et Melilla, deux colonies espagnoles, les dernières du genre en terre marocaine et africaine», écrit encore le journal. Et d'émettre le souhait de «voir la sagesse et le réalisme l'emporter, et l'Espagne éviter de se comporter, selon la règle, aujourd'hui, dominante sur la scène mondiale et qui ne reconnaît que l'usage de la force pour régler les conflits».