L'édition scolaire au Maroc est une affaire de gros sous. Plusieurs milliards sont en jeu pour mettre sur le marché à chaque rentrée une flopée de livres et de manuels pour les élèves du primaire et du secondaire. L'édition scolaire au Maroc est une affaire de gros sous. Plusieurs milliards sont en jeu pour mettre sur le marché à chaque rentrée une flopée de livres et de manuels pour les élèves du primaire et du secondaire. Quelques maisons d'édition, réputées bien référencées, se partagent cette manne substantielle pour qu'en échange, les enfants des Marocains se voient dispenser un enseignement de qualité selon des normes pédagogiques éprouvées. Un contrat social et éducatif de première importance qui engage l'avenir du pays. Or, cet objectif primordial pourrait-il être atteint avec une multitude de livres “prescrits“ et dont la durée de vie qui plus est ne dépasse pas une année ? Autrement dit, la qualité est-elle tributaire du seul contenu ? Pas si sûr. D'abord parce que l'approche pédagogique retenue doit être efficacement intégrée par l'ensemble des instituteurs du pays. Ce qui n'est pas souvent le cas. Ces derniers, souvent jeunes, sont largués dans la nature une fois diplômés sans aucune perspective de formation continue. Ensuite, le personnel enseignant du primaire, loin d'être motivé, commence sa carrière à 3.000 Dhs et finit au bout de 40 ans d'exercice à 5.000 Dhs ! La paupérisation du personnel de l'Education nationale, une réalité tangible, n'est pas sans rejaillir sur la transmission du savoir. Jusqu'à 2002, ce sont les inspecteurs du ministère qui avaient la haute main sur les manuels scolaires. Si ce n'est plus le cas depuis l'avènement de Habib El Malki qui a confié cette mission au corps enseignant, ce n'est là qu'une demi-mesure dont l'efficience est sujette à caution puisque la confection des livres scolaires relève normalement du ressort des concepteurs pédagogiques, métier pour le moment inexistant au Maroc. L'enseignement est d'abord affaire de spécialistes et de méthodologie. Et puis, il est indispensable de pérenniser les choix lourds adoptés dans ce domaine-clé au-delà des changements de ministre ou de gouvernement. Faute de quoi, c'est la porte ouverte aux expérimentations qui sont par définition hasardeuses. En outre, il ne suffit pas d'alourdir le cartable de l'élève en lui faisant courber un peu plus l'échine sous le surpoids pour que le savoir lui soit inculqué sur des bases saines. Là réside l'enjeu de la réforme du système éducatif national qui donne l'impression de baigner dans un beau cafouillage. Comment réhabiliter l'école publique et restaurer la confiance des Marocains envers une institution où ils ne veulent plus inscrire leurs enfants ? Comment mettre définitivement fin à un enseignement à plusieurs vitesses qui gomme l'égalité des chances devant l'école ? Il ne faut pas confondre les problèmes de fond et les fonds du problème. L'engouement de plus en plus grandissant à l'égard des établissements privés, tous niveaux confondus, est puisé dans la faillite du système scolaire public. Les enfants scolarisés dans le privé apprennent dans des livres conçus et imprimés à l'étranger, cependant que leurs semblables du public doivent faire leur apprentissage dans des manuels fabriqués localement. Sans parler de la qualité de l'approche pédagogique qui est une autre histoire.