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La politique comme école de dignité
Publié dans Aujourd'hui le Maroc le 16 - 07 - 2002

Ismaïl Alaoui, le secrétaire général du PPS, ne cesse de forcer le respect, aussi bien par son franc-parler que par la maturité de ses réflexions. Entretien.
ALM : Comment voyez-vous le rapprochement récent entre le MNP et le MP ?
Ismaïl Alaoui : D'abord, il faut relever la présence du président du PJD (Parti de la justice et du développement). Les observateurs en ont déduit que le PJD pourrait se retrouver avec le Mouvement populaire. Ce qui peut paraître très étonnant, c'est qu'il y ait une alliance entre deux partis, dont l'un, jusqu'à nouvel ordre, est de la majorité, et l'autre de l'opposition.
Qu'en dites-vous du rapprochement, du moins au niveau du discours, entre le Parti de l'Istiqlal et les Islamistes ?
Je crois qu'au niveau du discours, le rapprochement ne date pas d'aujourd'hui. Le Parti de l'Istiqlal a toujours eu une aspiration salafite et le PJD a toujours eu une référence dite islamique. Donc, je crois que de ce côté-là, ce n'est pas une donnée nouvelle. Mais est-ce que cela va aboutir à un rapprochement véritable entre les deux parties ? Je ne saurais vous le dire.
Vous avez assumé la responsabilité de deux ministères au cours du mandat du gouvernement actuel, l'Education nationale et l'Agriculture. Est-ce que vous pouvez nous annoncer en quelques mots, deux acquis majeurs de votre contribution à
l'exécutif ?
Sans tomber dans une sorte de triomphalisme de mauvais aloi, le résultat le plus important dans le domaine de l'Education nationale est l'enclenchement du processus de généralisation de notre enseignement. Si en 2008, comme cela est prévu, nous arrivons à généraliser l'enseignement jusqu'à l'âge de quinze ans, et mettre en application la loi de l'obligation scolaire, je crois que cela constituerait un acquis extraordinaire. Pour ce qui concerne le ministère de l'Agriculture, il y a aussi un acquis très important réalisé, non pas grâce au ministère de l'Agriculture, mais à la politique du gouvernement, qui consiste à contrecarrer les effets néfastes d'une série d'années de sécheresse. Je crois que la lutte contre les effets de la sécheresse et la transformation de ce programme en un programme de développement rural est un acquis extrêmement important pour l'avenir de notre pays. Nous avons pu freiner l'exode rural et je crois que si les choses n'avaient pas été prises à bras le corps, nous aurions pu voir des catastrophes au niveau du flux des populations rurales vers les villes.
Au sein du gouvernement, chacun agit de manière individuelle à telle enseigne que l'on n'arrive pas à déceler un travail d'équipe. A cela s'ajoute l'absence de frontières entre le partisan et le gouvernemental. A quoi attribuez-vous cela?
Vous savez, nous sommes en période de formation. Nous engrangeons de l'expérience, et il est certain que les attitudes partisanes existent, malheureusement, chez beaucoup de gens et cela est une donnée naturelle qu'on retrouve un peu partout, y compris dans les pays qui ont des expériences démocratiques. Néanmoins, les acquis dont nous avons parlé, même s'ils sont relatifs, sont le fait d'une politique formulée dans le cadre d'un programme politique. Aussi bien dans la réflexion que dans la pratique. Qu'il y ait de temps en temps quelques petits grincements, cela est tout à fait naturel.
A votre avis, quel est l'acquis majeur du gouvernement actuel et quel est son point faible ?
L'acquis et l'inconvénient résident dans le fait qu'il s'agit d'un gouvernement de compromis historique et d'alternance consensuelle. Le grand acquis, c'est qu'il a réussi à mettre un terme à cette dichotomie qui a régné sur le champ politique national de 1960 à 1998. Une dichotomie qui a abouti à des confrontations brutales entre deux grandes forces qui constituent la société marocaine, et qui n'a pas été en faveur du peuple marocain. Le grand acquis de ce gouvernement est d'avoir résolu ce problème. De même, l'inconvénient majeur est lié à la composition de ce gouvernement de compromis consensuel. Car il est certain que personne n'y peut trouver son compte. Ni les gens qui se situent à droite, ni les gens qui seraient plus à gauche.
A un moment donné, vous avez parlé de l'école primaire en politique. Où en sommes-nous
maintenant ?
Nous sommes encore à l'école primaire. Le bonheur peut-être qui peut nous consoler, c'est qu'en démocratie, tout le monde reste à l'école primaire.
Depuis quelque temps, nous vivons au rythme des dossiers du CIH, CNCA et CNSS, et il y a des gens qui appellent, à cet effet, à l'adoption d'une amnistie en vue de tourner la page du passé. Qu'en dites-vous ?
Les gens sont heureux de faire cracher ceux qui sont considérés comme des accapareurs de biens publics et puis, quand la décision est prise, on dit qu'il faudrait agir autrement. Dans toutes les sociétés du monde, on retrouve le même phénomène. Il reste à trouver une ligne où prédomineraient la raison et l'objectivité et ce ne sont pas les commissions d'enquête parlementaires qui vont dire la vérité. Car ce n'est pas leurs tâches et même si c'est le cas, les hommes qui constituent ces commissions n'ont pas les moyens ni matériels, ni humains d'appréhender la réalité dans toute sa complexité. Le deuxième aspect, c'est que ce n'est pas la bourse populis qui doit juger ce genre de problèmes. On devrait disposer d'une justice juste et équitable, ce qui n'est pas toujours le cas malheureusement. Vu notre société et les maux que nous avons hérités et que nous continuons à vivre, notre justice n'est pas au-dessus de tout soupçon. Par conséquent, certains, partant de ces deux prémisses, aboutissent à la conclusion que vous avez signalée.
Dans une situation de mutations comme la nôtre, il y a beaucoup d'abus et les décideurs dans les entreprises sont obligés de jeter l'éponge quelques fois sur des choses qui sont inadmissibles. Personnellement, je suis un peu gêné lorsque je constate de pareilles choses.
Nous constatons un certain malaise au sein de votre parti, en ce qui concerne le mode de scrutin adopté récemment. Quel est votre avis à ce sujet ?
Nous avons toujours été des supporters d'un mode de scrutin à la proportionnelle au niveau national.
Et nous estimons que le découpage électoral pose un grand problème dans la mesure où on ne pourrait pas atteindre la quintessence de ce mode de scrutin plus démocratique qui pourrait donner une vision exacte de l'importance de chacune des forces politiques.
Est-ce que vous estimez que vos alliés au gouvernement ont procédé à des tactiques conjoncturelles ?
Vous me demandez de commettre une erreur politique en me mettant à la place des autres. Je crois que par sa nature, ce mode de scrutin empêche les alliances au départ.
Je pense qu'il aurait dû participer au renforcement de certaines alliances, avant les élections. Mais c'est un point de vue qui n'a pas été retenu, sauf pour nos amis du MNP et du MP. Tous les autres partis ont décidé de faire cavalier seul.
De l'extérieur, nous constatons que votre alliance avec le PSD ressemble à ce mélange de l'eau et de l'huile. Est-ce vrai ?
L'idée est à concevoir, mais je ne crois pas que ce soit véritablement cela. De toutes les manières, il suffit de faire un brassage très puissant pour que l'eau et l'huile finissent par coexister. Donc, à nous de trouver ce brassage dans le volet politique.


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