Les marchands-prêcheurs ambulants envahissent les boulevards de Casablanca. Avec des pratiques portant préjudice à la religion islamique, ils écoulent leurs marchandises. Avec un étale confectionné sur une bicyclette ou sur une charrette tirée à la main, munis d'un haut-parleur, les vendeurs des cassettes-audio, dépliants et autres livres, véhiculant des discours islamiques, envahissent les rues et les boulevards de Casablanca. Ils empruntent généralement les artères et les avenues à plus forte affluence. Le prêcheur, d'une voix tremblante, raconte, après le rappel des cinq piliers de la religion islamique, comment celui qui ne fait pas la prière est puni dans l'au-delà, le cauchemar dans la tombe de ceux qui s'adonnent à telles ou telles pratiques, l'importance du voile pour la femme, etc. Un discours qui attire l'attention des passants. La technique est rapporteuse. Elle permet au commerçant-prêcheur ambulant d'écouler plusieurs cassettes-audio et livres. Il gère très bien le temps pendant toute la journée. Le déplacement est souvent étudié de sorte à être devant une grande mosquée au moment de la prière. Il reste le dernier à accéder à la mosquée pour faire sa prière et quitte les rangs le premier pour se retrouver sur place en vue d'aborder les prieurs sortants. Déjà une contradiction frappante dans le comportement du marchand-prêcheur. Des livres, qu'il expose lui-même à la vente, soulignent qu'il ne faut jamais se précipiter dans la prière. Mais commerce oblige et il semble que même cette pratique de la prière n'est qu'une technique, parmi d'autres, pour donner une certaine crédibilité à son comportement et à ses activités commerciales. Il faut dire que ces moments devant les mosquées sont propices pour ce type de commerce. Sur le terrain, une autre technique est de mise. En fonction de la nature du lieu et de ses habitants, le marchand ambulant, avec une barbe bien entretenue, habillé à «l'afghane», change de cassette-audio. Le discours qui va allécher les habitants d'un quartier populaire, comme Hay Mohammadi ou Sid Bernoussi, n'est plus le même lorsqu'on est au centre d'Anfa ou dans le boulevard de Zerktouni, par exemple. Une fois qu'un client s'adresse à lui pour une cassette ou un petit livre, le marchand-prêcheur éteint son poste-radio et développe un discours sur le contenu de la marchandise demandée. Il explique que son intérêt dans cette activité n'est plus commercial, mais ce qui compte pour lui c'est la diffusion de la religion islamique à travers tout le territoire national. Et avec sa parfaite connaissance du domaine, il réussit généralement à convaincre le client. Le phénomène n'épargne aucun quartier de la capitale économique. Certains ont investi les moyens de transport public en commun. Et là, c'est une autre démarche qui est de mise. Le vendeur-prêcheur commence d'abord par instaurer le silence à l'intérieur de l'engin de transport. «Lorsque le Coran est lu, écoutez», dit le livre saint. Un petit moment, il éteint le poste-radio et fait le tour du bus en donnant à chaque passager un livre ou une cassette-audio. Après cette opération, il retourne à côté du chauffeur et explique l'intérêt de la marchandise. Ensuite, il fait le même tour en rassemblant l'argent ou les objets non vendus et descend dans l'arrêt suivant. Ces moyens de transport sont en passe de devenir des lieux mobiles pour ce type de commerce. Les plages, les rues, les boulevards, ainsi que les moyens de transport en commun sont investis par les marchands-prêcheurs. L'ombre de l'obscurantisme est en train de gagner du terrain.