Mardi, les agriculteurs blancs du Zimbabwe ont officiellement cessé toute activité tandis que la polémique concernant la redistribution de leurs terres aux pauvres s'amplifie et entraîne les critiques de l'Europe. L'ordre d'expropriation donné par le président Mugabe au lendemain de sa réélection, le 10 mai dernier, concernait quelque 2.900 fermiers blancs. Ces derniers avaient jusqu'à mardi minuit pour cesser leurs activités agricoles, chose que la plupart d'entre eux avaient déjà entreprise ces derniers mois. Dans le climat de violences et de tension relancé par la réélection contestée de Robert Mugabe, certains fermiers avaient en effet été expulsés, leurs terres confisquées, sans délai. Une « réforme agraire » qui, si elle va mettre au chômage 95 % des fermiers blancs du pays - selon Jenni Williams, porte-parole de l'Union des agriculteurs commerciaux - a pour objectif originel la redistribution des terres au profit des pauvres, et donc de la population noire. Sauf que, malgré les promesses gouvernementales, la plupart des fermes auraient été déjà données à des députés fidèles et à des confidents du président Robert Mugabe, ainsi qu'aux dirigeants du parti. Depuis juin 2000 et le lancement de cette réforme agraire, le gouvernement a ciblé quelque 5.872 propriétés agricoles appartenant principalement à des fermiers blancs pour qu'elles soient confisquées, ce qui représente 10,4 millions d'hectares de terres. Dans la plupart des cas, le bétail, les systèmes d'irrigation ou autre équipement ont été saisis par les autorités. Les exploitants qui tenteraient de résister à la nationalisation de leur ferme ont d'ailleurs été prévenus qu'ils risquaient une amende et une peine d'emprisonnement de deux ans. L'Union européenne a de son côté avisé qu'une redistribution à «l'aveuglette» des terres pourrait accentuer la grave pénurie alimentaire dans tout le sud de l'Afrique. S'ils ont débloqué lundi une aide de six millions d'euros pour secourir la population, les Quinze ont largement critiqué la politique du président Mugabe. «Le secteur privé a un rôle primordial à jouer pour alimenter le marché», a ainsi déclaré le commissaire européen à l'Aide humanitaire Poul Nielson. L'agriculture, principal secteur de production du pays, avait en effet permis au Zimbabwe de devenir le principal marché régional avant qu'il ne plonge dans une crise et une pénurie persistantes. Londres s'est montré mardi encore plus sceptique quant à cette nouvelle loi. Selon Jack Straw, elle est «répréhensible» et mène à une «tragédie» humanitaire. Le ministre britannique des affaires étrangères a aussi accusé le président zimbabwéen de courir au désastre en demandant aux fermiers et ouvriers agricoles de cesser le travail au moment où le pays connaît une nouvelle famine. «La seule façon d'échapper au désastre réside dans la restauration du droit, la fin de la violence, de l'intimidation et des arrestations de journalistes, un retour à la légitimité démocratique et à l'adoption de politiques économiques crédibles», a-t-il ajouté. Le Programme alimentaire mondial (PAM) estime aujourd'hui que la moitié des 12,5 millions de Zimbabwéens auront besoin d'aide cette année. A l'origine de la famine, figure la sécheresse mais aussi la désorganisation qui prévant dans le secteur agricole.