La France a rejoint le 16 juin le peloton des Etats européens gouvernés par la droite. Un virage politique qui suscite certaines interrogations quant à l'avenir du pays comme celui du vieux continent. Désormais dirigé par la droite au niveau de toutes ses instances décisionnelles, l'Hexagone a totalement viré au bleu. Et comme ailleurs en Europe, la rose à flétri. Fané, le socialisme européen se laisse depuis quelques années progressivement devancé par les formations de droite. Cela s'est déjà vu en Espagne, en Italie, au Portugal et, de façon plus extrême encore, en Autriche, au Danemark et aux Pays-Bas. La tendance est tellement insistante que le travailliste Tony Blair comme le social-démocrate Gerhard Schröder ont de quoi passé des nuits blanches avant leurs prochains rendez-vous électoraux. Certains observent un « retour normal » aux premières années de l'Europe unie. A l'ère De Gaulle en quelque sorte. D'autres préfèrent voir une « rechute » du vieux continent vers un repli sur lui-même. Car en France, comme en Italie (où Silvio Berlusconi a intégré, en mai 2001, la Ligue du Nord d'Umberto Boss dans son gouvernement), en Autriche (avec la participation du FPOE de Jörg Haider depuis 2000 dans l'exécutif) et aux Pays-Bas (la percée de la liste Pim Fortuyn aux législatives du 15 mai 2002), le triomphe de la droite ne s'est pas fait sans mal. Avec un Jean-Marie Le Pen présent au second tour de la présidentielle, fort de près de 16 % de suffrages favorables, l'Hexagone a dévoilé ce que le reste de ses partenaires avait déjà exprimé : la montée des discours populistes, xénophobes et ultra-nationalistes. Une donne récente qui, au niveau de l'Europe, pose une question brutale, celle de l'élargissement de l'Union. Comment les Européens peuvent-ils intégrer de nouveaux pays dans un tel contexte marqué par un malaise social, économique, politique, et finalement identitaire ? Toutes les campagnes électorales sont depuis quelques temps – et plus particulièrement depuis le 11 septembre - axées sur l'immigration et l'insécurité. Deux thèmes que les Quinze retrouvent encore ces vendredi et samedi à Séville, à l'occasion du dernier sommet européen sous présidence espagnole. Parmi les mesures à adopter, les dirigeants des Etats-membres de l'UE devront aussi réfléchir sur leurs grandes orientations de politique économique, qui réaffirme l'objectif d'un retour à une situation « proche de l'équilibre » des comptes publics en 2004. La France est, elle, sous pression de ses partenaires en raison de la dégradation de ses déficits publics et des promesses électorales de Jacques Chirac en matière de baisses d'impôts. « La France respectera bien sûr le pacte de stabilité et de croissance comme elle l'a toujours dit », a tenté de rassurer jeudi la porte-parole de l'Elysée, Catherine Colonna. S'il est vrai que le triomphe de la majorité présidentielle a été scruté par l'Europe entière bien que cette dernière n'a figuré ni dans les campagnes électorales, ni dans les premières préoccupations de Jacques Chirac. Lorsqu'il a présidé son premier conseil des ministres mercredi, le chef d'Etat a parlé d'un « contrat d'engagement et d'action entre les Français et leurs représentants ». Selon le président réélu pour un mandat de cinq ans, les Français ont en effet exprimé leur attente de voir des résultats au niveau des frontières franco-françaises. Et ce au niveau du « rétablissement de la sécurité et de l'autorité de l'Etat, l'efficacité de la justice, de l'égalité des chances, notamment pour ce qui concerne l'école, l'emploi ». Des chantiers qui ne pourront, d'après M. Chirac, pas se faire sans un dialogue social. Cet « homme seul au pouvoir » n'a certainement pas envie de revivre la débâcle de son parti de 1997.