Fatna et Abderrahmane rêvaient d'avoir des enfants. Ils en ont eu quatre. Les circonstances ont fait qu'à présent ils se recueillent sur la tombe de l'un d'entre eux et rendent visite à l'autre - qui l'a tué - au parloir de la prison… «Monsieur le président, j'ai perdu un enfant et je ne pourrais supporter de perdre le second…Soyez clément envers mon fils Monsieur le président…», implore Fatna, 43 ans, les larmes aux yeux. Son fils, Saïd, 18 ans, se tient debout au box des accusés, à la salle d'audience de la chambre criminelle près la cour d'appel de Casablanca. Il est près de sa mère qui gémit encore, la regarde avec des yeux baignés de larmes, entend ses adjurations. Spontanément, il se jette sur elle pour lui embrasser la tête. «Retourne à ta place !…», dit le président à la mère. Il appelle le père. Abderrahmane, 56 ans se lève, prête serment et balbutie : «…Monsieur le président l'un de mes enfants est mort et le deuxième est entre vos mains. Je vous demande, M. le président, de le gracier…». Fatna et Abderrahmane ne peuvent plus retenir leurs larmes. Ils rêvaient de fonder un foyer, souhaitaient avoir des enfants bien élevés, bien instruits, qui les aideraient à continuer leur parcours dans la vie. Seulement, une vingtaine d'années plus tard, leurs rêves se sont effondrés comme un château de cartes. Ils n'auraient jamais pu imaginer que leurs quatre enfants seraient tous expulsés de l'école, au chômage, et ne pensant qu'à fumer des cigarettes et d'autres choses encore... Cependant Miloud, leur cadet, bat tous les records en matière de délinquance. Il a tout appris, sauf les bonnes manières… Il n'est calme qu'après avoir consommé sa dose quotidienne de haschisch et de comprimés psychotropes. Miloud passe des journées entières hors de sa demeure, loin des yeux de ses parents. Et il ne revient que pour leur demander de l'argent, qu'il obtient par la menace. En cas de refus, c'est la catastrophe, avec insultes, casse, jets de projectiles, cris, … Tous les voisins au quartier Moulay Rachid le détestent et le fuient comme la peste. C'était le mois sacré de Ramadan. Une semaine avant son dernier jour. Miloud a disparu depuis trois jours. Une fois sans le sou, il est retourné chez lui. Sa mère était seule à la maison. Il lui demande dix dirhams. «…Je n'ai pas le moindre sou sur moi mon fils…», lui dit-elle. Miloud s'énerve, se rend à la cuisine, casse les ustensiles, retourne chez sa mère, la menace à haute voix : «…Je vais te tuer si tu ne me donnes pas les dix dirhams…». Elle tente de le calmer : «…Pars maintenant et reviens dans une demi-heure, je vais me débrouiller pour les avoir…». Miloud sort. La mère appelle Saïd, son autre fils. Elle lui demande de rester avec elle. «Ton frère a menacé de me tuer et il va revenir plus tard, je crois qu'il est drogué…», lui dit-elle. Saïd verrouille la porte. Une heure plus tard, Miloud arrive, frappe à la porte. Personne ne veut lui ouvrir. Il redouble de coups à la porte. «…Va-t-en "Yal maskhoute"…» crie son frère à son intention. Hors de lui, Miloud prend une pierre, la jette par la fenêtre. Il en prend une deuxième, frappe la porte, injure sans vergogne. Saïd ne peut plus contrôler ses nerfs. Il monte sur la terrasse, prend une grande pierre, la jette sur lui. Il le frappe avec une deuxième. Miloud tombe à terre, perd connaissance et rend l'âme quelques minutes plus tard. Saïd est arrêté et condamné à 10 ans de réclusion. Les deux parents se chargent actuellement du panier pour Saïd qui est en prison et rendent visite de temps à autre à la tombe de Miloud pour implorer Dieu de lui pardonner.