Portrait. Malek est parolier, chanteur et interprète. Romantique invétéré, il garde vivace cet amour de l'art qui est la marque des véritables artistes. Sa vie révèle d'ailleurs qu'il ne doit pas sa vocation artistique aux personnes auxquelles on pourrait s'attendre. Malek Belarbi est venu relativement tard à la chanson. Rien ne le destinait à devenir le grand interprète et compositeur qu'il est aujourd'hui. Il est né le 21 juillet 1959 à Aix-en-Provence d'un père oujdi et d'une mère française. Mais il est resté très peu de temps à Aix. Il est en effet retourné à Rabat, âgé à peine d'un an. Son père, fonctionnaire à l'Education nationale, et sa mère, institutrice, ne sont pas ce qu'on appelle des personnes rompues aux arts. Ils sont en revanche de grands lecteurs, et l'enfance de Malek a été baignée dans un univers rempli de livres. Le destin de sa mère, Marie-Louise Belarbi, est d'ailleurs lié à l'une des plus importantes librairies à Casablanca : Le carrefour des livres. Malek garde très peu de souvenirs de Rabat. Il se souvient seulement d'un appartement sombre et du bruit des plats et des verres. Ses parents recevaient en effet beaucoup d'amis. Si Rabat n'a pas laissé de souvenir à Malek, Mohammedia a imprimé une marque indélébile sur son enfance. Il en parle encore aujourd'hui d'une façon lyrique. Sa famille a déménagé à Fedala alors que l'enfant n'a pas 5 ans. «Cette ville m'a définitivement marqué. Nous habitions du côté de la mer. J'allais à l'école à pied. Je pêchais dans l'oued. J'ai appris à rêver à Mohammedia» se souvient Malek. Le goût de la liberté et des grands espaces va le porter naturellement à la rêverie. Quant à la musique, Malek se remémore un tourne-disque où ses parents écoutaient Aznavour, Brel, Macias et Fayrouz. L'enfant fredonne quelques mélodies, mais sans que cela ne favorise la naissance d'une vocation. La série de déménagements-emménagements ne s'arrête pas à Mohammedia. La famille Belarbi la quitte en effet pour s'établir définitivement à Casablanca vers 1966. «Casa était une belle petite ville» dit Malek. Il y écoute pour la première fois les chansons de Yves Montand, Léo Ferré et Georges Brassens. Mais l'effet de ces chansons n'est pas assez décisif pour porter le jeune homme à la pratique. L'éveil à la musique, Il ne va pas d'ailleurs le devoir à un chanteur français... Au lycée, Malek se réfugie dans la poésie. Il apaise son anxiété naturelle en se reconnaissant dans les tourments d'une petite communauté de poètes. «Je dois l'amour de la poésie à la découverte de Rimbaud et de Baudelaire. J'ai été littéralement sonné en les lisant. Je ne pense pas avoir reçu pareille gifle de toute ma vie». Avec Rimbaud et Baudelaire, Malek découvre les pouvoirs du verbe. Il se retranche alors dans la lecture passionnée et contemplative jusqu'à la découverte musicale la plus importante de sa vie. Malek devient compositeur-interprète grâce aux chansons de Bob Dylan. Il le reconnaît d'ailleurs sans demi-mesures : «Il y a un avant et un après Bob Dylan. Sans lui, je pense que je n'aurai jamais écrit une seule chanson de ma vie». Malek se passionne tant pour Dylan qu'il ne peut résister à l'envie d'apprendre l'anglais. Il comprend ainsi qu'en plus des compositions, les textes de Dylan sont d'une grande poésie. Il n'a pas peur de le comparer à cet égard à Rimbaud. Commence ensuite le processus d'identification à l'idole. Malek s'habille de la même façon que l'artiste dont il se réclame. Pour pousser la ressemblance jusqu'au bout, il achète une guitare, et se met, sans l'aide de personne, à jouer des mélodies de Dylan. De fil en aiguille, le lycéen ressent le besoin de griffonner des bouts de textes pour les mettre en musique. Comme il est réservé, il ne fait pas écouter ses chansons à une tierce personne. Cela permet d'ailleurs de toucher un aspect fondamental de la personnalité de l'intéressé : il n'est pas exhibitionniste. Malek obtient son bac en 1978 sans avoir la moindre idée de ce qu'il va faire. Comme il est amoureux d'une fille qui part à Montpellier, il la suit. Il s'inscrit en fac et fait la rencontre de deux musiciens avec lesquels il a formé un groupe à base de trois guitares acoustiques. «À leur contact, j'ai beaucoup appris musicalement». Malek devient alors le parolier du groupe. Il se rend compte de son attachement indéfectible à la musique. La poésie seule ne lui suffit pas, il faut que la musique ajoute un surcroît d'émotion au sens des mots. Malek comprend ainsi qu'il ne peut s'exprimer sans la conjugaison de ces trois composantes : le chant, la musique et le texte. Il quitte en 1980 Montpellier pour Paris où il donne des concerts dans les cafés-théâtres et les restaurants. Il signe avec une petite maison d'édition un premier 45 tours intitulé «Une mère». Sans succès ! Et un deuxième 45 tours «La mal vie» dont le succès ne s'est pas démenti depuis. «La mal vie» est diffusée partout, traduite dans plusieurs langues. Malek insiste sur le fait que cette chanson est très peu représentative de sa musique. «C'est la seule chanson que j'ai écrite dans cette veine-là. Je ne la renie pas, mais je ne la veux pas comme étendard de ma musique». Il retourne régulièrement au Maroc pour donner des concerts, enregistre plusieurs albums. Il monte un studio à Benslimane et réalise l'une des premières chansons fondées sur la fusion, genre musical qui connaît une grande vogue aujourd'hui. Il s'agit de «Je chante» avec les frères Bouchenak. Le succès de cette chanson dépasse nos frontières. Malek met son talent au service des autres. Dans son studio, tout un mouvement de jeunes musiciens talentueux enregistre : Saïda Fikri, Hamid Bouchenak, Nouri et d'autres. L'homme prépare depuis deux ans un nouvel album qui sortira cet été. Son vœu le plus cher est que la chanson marocaine acquiert un véritable statut qui la mette à l'abri des marchés informels et des piratages.