Dressant un bilan positif du partenariat entre la France et le Maroc, Hassan Abouayoub, ambassadeur du Royaume à Paris, souligne la nécessité d'élargir la coopération entre les deux pays aux acteurs non-gouvernementaux. ALM : D'aucuns qualifient la 6ème réunion de Haut niveau maroco-française d'historique, marquant un point de rupture par rapport aux précédentes réunions. Quelle en est donc la grande particularité ? Hassan Abouayoub : Ce point de rupture a été organisé et décidé par S.M Mohammed VI et le président de la République lors de la visite d'Etat de S.M le Roi en 2000. A l'heure de la cohabitation en France, il avait été décidé de porter la relation entre la France et le Maroc à un niveau de prestations et de méthodologie qui soit débarrassé des lourdeurs du protocole, de tous les formalismes et concentré sur la substance. Nous avons mis quatre ans à mettre en place cette nouvelle architecture et cette nouvelle mécanique qui s'inscrit d'abord dans le cadre des priorités de Sa Majesté, celles-là même qui figurent dans le programme adopté par le Parlement. C'est important dans la mesure où c'est pour la première fois que toutes les actions imaginées dans le cadre de la coopération bilatérale ont été dans le cadre des priorités du Maroc non pas dictées. Ensuite, le débat gagnera en richesse le jour où les acteurs non gouvernementaux participeront également à ce partenariat. Ce qui est aujourd'hui le cas. La présence d'acteurs non-gouvernementaux marocains a justement été très remarquée. Quelle est la finalité de l'élargissement du partenariat aux autres sphères politiques et économiques ? Existe-t-il des projets à même de renforcer cet élargissement ? L'année prochaine, il sera question de tenir un forum de partenariat où les entreprises, les collectivités territoriales, les associations et les universités seront amenées à réfléchir sur les moyens de participer plus activement à ce partenariat stratégique pour qu'aussi bien la relation traditionnelle entre les deux gouvernements et des deux chefs d'Etat soient accompagnées par une prise en charge et une appropriation par les peuples français et marocain de cet immense projet qui nous réunit. Quel état des lieux faites-vous aujourd'hui des relations entre le Maroc et la France ? Il n'y a pour se rendre compte de l'importance des relations entre le Maroc et la France qu'à regarder les chiffres. A commencer par ceux du tourisme, qui enregistre une croissance de 25% par rapport aux quatre dernières années. Les investissements extérieurs et le nombre des entreprises françaises qui s'installent au Maroc augmentent considérablement chaque année. La communauté française augmente, les exportations françaises vers le Maroc et marocaines vers la France continuent. Nous sommes aujourd'hui,et hors pétrole, le premier partenaire économique, commercial et financier, et de très loin, dans le monde arabo-musulman et en Afrique. Je crois que tout cela augure de belle manière de ce que sera le partenariat marocco-français lorsque le libre-échange entre le Maroc et l'Union Européenne sera complet et aura produit tous ses effets. Je crois que nous sommes dans une logique extrêmement positive, marquée par une accélération impressionnante des échanges dans tous les domaines, y compris celui de la culture qu'on oublie souvent, ainsi que dans les relations humaines. On n'a pas encore fait cas de tout le travail qui est fait auprès de la communauté marocaine en France sur le plan de la langue arabe, de la culture d'origine et sur le plan de la religion. Un travail qui n'est pas sans créer en France des conditions nouvelles et optimales pour une coexistence et une intégration sereine d'une population arabo-musulmane dans un espace de culture chrétienne et latine. La France constitue également la porte d'entrée du Maroc dans l'espace européen. Quel rôle peut encore jouer la République dans ce sens ? Et comment ce partenariat peut-il profiter à la zone euro-méditerranéenne ? La France a toujours joué un rôle d'avocat pour le Maroc. Car aussi bien la relation avec le Maroc que le projet de société du pays correspond le mieux à ce qu'on appelle le dialogue euro-méditerranéen. C'est la réponse la plus claire et la plus irréfutable et la plus globale aux défis de misère, d'exclusion et d'extrémisme qui menacent la paix dans le bassin méditerranéen. C'est fait parce qu'il existe une adhésion commune à des valeurs partagées, il y a une complicité intellectuelle telle que nous sommes les locomotives de ce dialogue euro-méditerranéen. Ces deux locomotives sont d'autant plus importantes qu'elles ambitionnent d'associer à ce travail de leadership un voisin comme l'Espagne avec lequel nous avons des relations tout aussi intenses et notre voisin de l'Est que nous souhaitons revenir à des sentiments plus positifs qu'est l'Algérie, ainsi qu'à toute cette partie de la Méditerranée occidentale qui a un rôle énorme à jouer. Car ce n'est pas seulement de l'intérêt du Maghreb qu'il s'agit, mais de celui de tout le Sahel, toute cette Afrique subsaharienne dont le Maroc sert de point de transit et qui subit les contre-coups d'une crise structurelle, endémique dans tous les secteurs. Ce partenariat a aussi une responsabilité d'apporter une contribution et un geste de solidarité envers l'Afrique, chose qu'on oublie très souvent. Que gagne la France d'un tel partenariat ? Elle gagne que nous avons des réponses communes à des problématiques communes. Les défis de l'immigration, la dérive extrémiste, les défis économiques et de la compétitivité globale ne peuvent être relevés par la France toute seule. Elle ne peut les gagner qu'avec ses partenaires du Sud. Que nous nous arrimons à l'Europe signifie aussi que la France s'arrime au Sud. Le grand dessein de la France, sa capacité à continuer à favoriser le progrès dans le monde dépend de la qualité de son ancrage dans sa rive méditerranéenne Sud.