Les accidents de la circulation au Maroc font plus de 3.500 morts par an. Essaïd Ameskane, ex-ministre du Transport, estime que pour faire face à ce problème, il faut revoir le système de contrôle du respect de la loi et élargir les prérogatives du ministère du Transport dans ce domaine. ALM : L'accident tragique de Poitiers est une nouvelle catastrophe qui s'ajoute à un bilan assez lourd des victimes des accidents de la route. Quelles sont, selon-vous, les raisons de cette situation qui s'aggrave de plus en plus ? Essaïd Ameskane : Je vous avoue qu'en regardant les images de la catastrophe de Poitiers, j'étais affligé de voir jusqu'où l'irresponsabilité de certains de nos routiers peut conduire. Actuellement, nous avons la réputation d'avoir l'un des réseaux routiers les plus meurtriers du monde. Le taux d'accidents graves est très élevé chez-nous. L'année dernière, le nombre des victimes mortelles a dépassé les 3500, ce qui nous place parmi les pays à haut risque. S'agissant des causes, elles sont nombreuses, mais elles sont essentiellement liées au non-respect de la loi. Les plus courantes sont l'excès de vitesse, la surcharge, la consommation de l'alcool et le non-respect du code de la route. Connaissant parfaitement les causes, pourquoi demeure-t-on incapable de lutter contre ce problème ? La meilleure solution pour lutter contre ce fléau est l'application exhaustive de la loi. Malheureusement, les systèmes de contrôle routier demeurent encore en deçà de l'efficacité que l'on attende de lui. Et en toute franchise, il faut dire que ceux qui sont chargés de cette mission ou ils ne contrôlent pas du tout ou ils font un contrôle abusif. En ce qui concerne les contrôleurs routiers du ministère du Transport, ils ne sont responsables que du contrôle du respect de la charge en ce qui concerne les camionneurs. Il est donc temps que le système de contrôle sur nos routes soit révisé. Il faut qu'il devienne plus dissuasif que répressif. En clair, il ne faut plus que les agents en postes sur nos routes se cachent pour guetter les fraudeurs, ils doivent, au contraire, être visibles et exercer un contrôle strict et vigoureux. Mais il y a aussi un problème d'application de certaines lois, notamment l'obligation pour les véhicules de transport collectif des voyageurs d'installer un tachygraphe. Sur ce point, dès que l'on tente d'être rigoureux, les routiers font grève et finissent par infléchir la résolution du gouvernement. Et, actuellement, je peux vous assurer que la plupart ne l'ont pas installé ou ont installé un appareil défectueux juste pour la forme. Il y a aussi l'application du système du ballon pour détecter la consommation de l'alcool qui pose un grand problème, puisque les routiers marocains se sont toujours opposés à ce système de contrôle. Il faut donc que l'on adopte une politique rigoureuse et en finir avec la politique des complaisances car l'enjeu est très important. Justement, qui fait la politique routière au Maroc ? Est-ce le ministre du Transport ? Le ministre du Transport a la responsabilité de la politique routière, mais il faut savoir qu'il n'a pas le pouvoir d'en contrôler l'application, car il existe plusieurs intervenants sur la question. Il faut donc penser à élargir ses prérogatives en ce domaine. Il faut aussi revoir le système d'octroi des agréments d'autocars qui est devenu caduc. Car il fait en sorte que ceux qui exploitent les lignes aient des charges supplémentaires dont des frais de location de l'agrément qui sont très élevés et qui les poussent à diminuer leurs charges, notamment celles liées à l'entretien du véhicule ou au recrutement de deux chauffeurs au lieu d'un seul. Je pense donc que parmi les choses qu'il faut faire, c'est d'annuler ce système d'agréments et instaurer un nouveau règlement basé sur l'octroi d'une autorisation assujettie au respect d'un cahier des charges précis dont la violation d'une clause devrait être passible du retrait de l'autorisation.