L'Union des écrivains du Maroc (UEM) a organisé, vendredi dernier à Rabat, une soirée-hommage en l'honneur d'Edmond Amran El Maleh. Durant cette soirée, les intervenants sont revenus sur les aspects multiples de la vie et des écrits d'un écrivain passionnant. C'est dans une scène aménagée à l'intérieur d'un jardin public que l'UEM a choisi de rendre hommage à l'un de ses plus illustres membres. L'écrivain marocain de langue française Edmond Amran El Maleh est arrivé un quart d'heure en avance. Il a attendu patiemment, dans un café à proximité de la scène, que les réglages d'une sono très défaillante permettent le commencement des activités. La table où il prenait son thé était plus animée que toutes les autres. On y reconnaissait des hôtes de marque: André Azoulay, conseiller de SM le Roi, Marie Redonnet, écrivain, et Hassan Nejmi, président de l'UEM. Ce dernier a présenté avec ferveur et considération l'écrivain El Maleh. Il a particulièrement souligné la marocanité des écrits de l'auteur du « Parcours immobile». Le Maroc authentique, tel qu'il ne peut apparaître qu'à une personne possédant une connaissance approfondie de la société marocaine, est ce qui touche au plus haut point Nejmi dans les livres d'El Maleh. «Nous avons beaucoup appris d'Edmond Amran El Maleh. Nous n'avons jamais senti sa différence cultuelle, parce que la marocanité rend vaines les particularités religieuses », a-t-il dit. Marie Redonnet est revenue, quant à elle, sur les circonstances de sa rencontre avec l'écrivain marocain. Elle a insisté sur le temps qu'elle a mis pour lire Amran El Maleh. Mais une fois qu'elle est entrée dans son univers romanesque, quel envoûtement ! Et pour preuve, Marie Redonnet enregistre toutes les semaines des bribes de conversation avec El Maleh. De ce travail, naîtra un livre « pour le faire connaître ici et en France ». L'écrivain-peintre Hassan Bourqia a construit, de son côté, un texte à la manière de l'écrivain argentin Borges. Il a apparenté le sujet de son intervention aux personnages de ses livres. Dans cette intervention, très instruite de la vie et l'œuvre de l'intéressé, Bourqia a rendu un hommage où l'émotion et l'amitié transparaissent dans chaque phrase. Le critique d'art Farid Zahi a insisté, pour sa part, sur les écrits d'Amran El Maleh consacrés aux peintres. Ce dernier est en effet l'un des écrivains marocains qui a interrogé avec le plus de régularité les arts plastiques. Il a écrit un livre magnifique sur Khalil El Ghrib, il en a consacré d'autres à Ahmed Cherkaoui et Tibari Kantour. El Maleh est sans doute l'écrivain d'art le plus pénétrant au Maroc, et il fallait le souligner. De même qu'il fallait revenir sur des aspects très originaux dans le traitement qu'il fait des citations. Le romancier Abdelkrim Jouaiti a expliqué qu'Edmond Amran El Maleh peut dans une même conversation citer une phrase très savante de Walter Benjamin ou faire grand cas d'un propos tenu par des gens, très ordinaires, dans la rue. Après avoir écouté les hommages, Edmond Amran El Maleh a usé de ce ton ferme, cette forme de radicalité, une preuve de jeunesse sans doute, qui lui fait formuler les choses sans hésitation. Il a expliqué qu'il n'aime pas les hommages officiels, mais qu'il est très touché que des personnes se soient déplacées pour lui prouver leur estime et leur amitié. Il est également revenu sur les attentats de Casablanca, et en a appelé à l'engagement de l'intellectuel. «Devrait-il se taire, assister en témoin silencieux à la campagne de haine ou se sentir responsable et avoir son mot à dire, mais avec les moyens qui sont propres à son mode d'expression». La soirée-hommage à Edmond Amran El Maleh s'est déroulée en présence d'André Azoulay, conseiller de SM le Roi, et de Hassan Aourid, porte-parole officiel du Palais royal. L'écrivain honoré est né à Safi en 1917 dans une vieille famille juive. Il s'est mis à écrire à l'âge de 63 ans, après un passé de professeur de philosophie et de journaliste, précédé d'une longue période de militantisme au sein du Parti communiste marocain. Edmond Amran El Maleh est l'auteur de plusieurs livres : « Le parcours immobile », « Aïlen ou la nuit du récit », « Mille ans, un jour », « Abner Abounour », « La peinture d'Ahmed Cherkaoui », « L'œil et la main », « Maspéro et la pensée sauvage », « Le café bleu », « La Malle de sidi Maâchou ». La lecture de ces livres impose leur auteur comme l'un des plus grands écrivains contemporains dans le monde.