Le conflit israélo-palestinien a parfois des répercussions dramatiques pour ceux qui s'aiment des deux côtés. Des milliers de couples souffrent de cette situation. Cas d'un Palestinien et d'une arabe israélienne. Maha Salameh et ses deux jeunes enfants vivent à Kalansawah, une petite ville arabe d'Israël, alors que son mari Bassam Mihdaoui habite dans le village d'Ishwaikeh, distant d'à peine quatre kilomètres de là en Cisjordanie. Ils vivraient chacun sur un autre continent que leur situation ne serait pas différente. En tant que palestinien, Mihdaoui ne peut pas passer la frontière pour voir son épouse israélienne et leur situation ne peut qu'empirer : Depuis la semaine dernière, l'Etat sioniste a gelé les demandes de citoyenneté aux palestiniens. Ils sont des milliers de couples transfrontaliers à être confrontés à ces difficultés. «Je veux vivre avec mon mari et mes enfants. Avoir une vie normale est devenu un rêve. C'est le droit le plus élémentaire et nous voulons l'obtenir», explique Maha Salameh, 32 ans. Dans la culture palestinienne, la jeune épouse emménage dans le village de son mari, mais ni Maha ni Bassam ne veulent renoncer aux avantages économiques de la vie en Israël. Pour Maha, s'installer en Cisjordanie signifie abandonner sa nationalité israélienne et perdre les avantages sociaux, comme les allocations familiales et les indemnités-chômage. «Tout est mieux ici. Mes enfants ont tous les avantages ? une bonne éducation, le système de santé. Alors qu'en Cisjordanie, rien ne va». «La vie en Israël est tellement simple, il y a beaucoup de travail», reconnaît Bassam Mihdaoui, 31 ans. Le gouvernement israélien avance qu'il a été contraint de suspendre les demandes de naturalisation pour des raisons économiques et démographiques, mais également par crainte pour sa sécurité. Cette position a en effet été adoptée après l'attentat perpétré en mars dernier à Haïfa par un palestinien qui venait d'acquérir la nationalité israélienne. L'association israélienne pour les droits civiques a en tout cas saisi la cour suprême pour qu'elle censure ce gel des naturalisations, qualifiant ce dernier de raciste, d'illégal et violant la dignité humaine. Bassam Mihdaoui avait rencontré sa femme alors qu'il traversait son village pour aller travailler en Israël, où il achète et vend des chevaux. Depuis leur mariage il y a trois ans, ils se battent pour rester ensemble en Israël. La demande de citoyenneté de Bassam a été rejetée deux fois et il attendait que la cour suprême étudie son appel lorsque l'Etat sioniste a décidé de bloquer tous les dossiers. « J'aime ma femme et je ne veux pas l'abandonner », assure Bassam qui a été arrêté trois fois pour séjour illégal en Israël alors qu'il essayait de passer du temps avec sa famille. La situation du couple s'est dégradée depuis le début de la deuxième Intifada en septembre 2000 qui a poussé Israël à renforcer la sécurité aux frontières. Ils ne se voient désormais qu'une fois par mois quand Maha prend le risque de se faire arrêter en allant voir son Bassam. Pour justifier ce gel, le porte-parole du ministre de l'intérieur israélien Eli Yishai affirme qu'un nombre croissant de Palestiniens ayant la nationalité israélienne «ont été impliqués à divers degrés dans des activités terroristes». Israël craint également qu'un afflux de palestiniens ne modifie sa démographie et que les juifs deviennent minoritaires. En attendant que leur cas soit étudié par la cour suprême dans un mois, Maha et Bassam se parlent quotidiennement au téléphone. • Celean Jacobson (AP)