Sage-femme depuis 48 ans, Hajja Drifa assure que le capital d'une sage-femme s'articule sur sa patience, sa magnanimité et sa disposition. «La paciencia, la paciencia». C'est en ces termes prononcés dans un espagnol élégant que Hajja Babel Drifa explique la notoriété qui l'aura auréolée comme étant la doyenne des sages-femmes de Tanger, sinon du nord tout entier. Propriétaire d'une maison de maternité, Hajja Drifa, 63 ans, ne divulgue pas de secret en assurant que le capital d'une sage-femme n'est autre que sa patience et sa magnanimité, ainsi que sa disposition à soutenir psychiquement la femme enceinte au moment de l'accouchement. Diplôme en main, suite à une formation assurée par des médecins espagnols, dont elle n'est pas peu fière, la doyenne des accoucheuses de Tanger, qui a entamé sa carrière en 1954, souligne que la fonction de la sage-femme se limite essentiellement à faciliter l'accouchement normal eutocique, mettant en garde contre tout excès de zèle de nature à empiéter sur le terrain des obstétriciens spécialisés. Elle indique qu'elle fait souvent face à des cas difficiles où des femmes enceintes, généralement de classe moyenne ou démunies, insistent à ce qu'elles accouchent dans sa maternité et refusent d'être transférées vers une clinique, au moment où ces cas dystociques nécessitent l'intervention de médecins spécialisés. Avec un enthousiasme singulier, elle assure qu'elle a toujours su enjamber ce genre de difficultés, armée en cela par sa patience, ses talents de persuasion et son aptitude à extirper la peur de ses clientes, en les assurant que devant un cas d'accouchement, un médecin se convertit automatiquement en une femme. Tête chenue, yeux étincelants de vitalité, des rides qui disent, chacune, l'histoire de milliers de nouveau-nés, Hajja Drifa promet de continuer à servir, aussi longtemps que le lui permettent ses forces, tout en mettant l'accent sur la nécessité d'une meilleure collaboration entre les sages-femmes et les médecins obstétriciens. Après 48 ans de métier, agrémentés d'une carrière dans la santé publique qu'elle a dû quitter en 1980, Hajja Drifa n'a qu'un regret et un vœu : si le fait de ne pas avoir obtenu un diplôme d'obstétricienne lui tient particulièrement à cœur, elle ne rêve que de voir ce métier réhabilité et les sacrifices de ses collègues reconnus. • Fatiha Aboulhorma (MAP)