L'une ira défendre la démocratie et barrer la route à l'extrême droite. L'autre soutiendra jusqu'au bout son leader raciste, antisémite et anti-européen. Deux France ont rendez-vous dimanche face aux les urnes. Un 23ème président entrera dans l'histoire de la République française dimanche soir. S'il ne fait nul doute que le résultat des votes reconduira Jacques Chirac dans un second mandat, le chef d'Etat sortant sait d'ores et déjà que l'heure est grave. «Ce combat est le combat de toute ma vie. C'est un combat moral», a-t-il déclaré, tandis que la brochure de son programme assure que «jamais élection présidentielle n'aura à ce point mis en jeu notre fidélité à l'idéal démocratique». Un idéal qu'a redécouvert la France – en même temps que l'horreur - dès le soir du premier tour le 21 avril. Un idéal crié quotidiennement dans les rues de la capitale et de province par des jeunes et des familles entières. Des valeurs originelles qui ont poussé les médias, les syndicats, le patronat, les partis politiques, les intellectuels, les sportifs de haut niveau et même les autorités religieuses, à appeler à voter. Et à voter «Chirac», ou plus précisément pour certains d'entre eux, à voter «contre Le Pen». 75 à 82 % des 40 millions de Français inscrits voteraient ainsi pour le président sortant, contre 18 à 25 % pour le candidat du Front national, selon un sondage IPSOS paru vendredi dans Le Figaro. Un «référendum contre l'extrême droite», ont observé certains responsables politiques. «Jacques Chirac va être élu avec nos voix autant qu'avec celles de la droite», a même assuré Ségolène Royal, ministre du gouvernement Jospin. Ces voix font en effet figure d'une adhésion au moindre mal pour éviter le pire. Un sentiment que l'on retrouve chez de nombreux électeurs qui ont proposé de se munir de gants ou de pinces à linge pour voter. Des «ustensiles» symboles de refus, de dégoût, de rejet de cette élection tronquée, signes que les Français n'étaient «pas tous complices». Informé, le Conseil constitutionnel a toutefois adressé vendredi une mise en garde contre tout signe violant le secret du vote. «Les électeurs en infraction risquent un an d'emprisonnement et une peine d'amende de 15.000 euros, en vertu de l'article L.113 du code électoral», a-t-il expliqué. Le Conseil peut même annuler «purement et simplément» le scrutin du bureau de vote où des infractions de ce type auront été commises. Lors d'une de ces dernières déclarations publiques, jeudi soir, Jacques Chirac a quant à lui invité les électeurs à «choisir massivement l'idéal républicain contre l'extrême droite» qui «salit l'image et l'honneur de la France». «J'appelle les Françaises et les Français à dire leur fidélité à une certaine idée de la France, une France généreuse, unie, riche de tous les talents, venus de partout» a-t-il insisté. Devant une audience très réduite à Marseille, le leader frontiste a de son côté encore une fois qualifié le candidat RPR de «chef du syndicat des gangs». «Il va appartenir au peuple français de donner à ce magouilleur une leçon historique», a-t-il lancé. «Car cette victoire est possible (...). Je pense qu'il y aura dimanche prochain une surprise encore plus extraordinaire que dimanche dernier». La plus belle surprise serait que celui qui prône la xénophobie, le révisionnisme, le sectarisme soit littéralement humilié par un regain démocratique écrasant. Amer certes, mais suffisant pour faire taire ce tribun de l'extrême.