Mercredi, 1,3 million de personnes sont descendues dans les rues de France pour condamner Le Pen. A quatre jours du second tour, celui-ci a relativisé cette forte mobilisation qu'il dit manipulée par le camp Chirac. Ils étaient 900.000 en province, essentiellement à Lyon, Bordeaux, Toulouse, Rennes et Marseille, et 400.000 pour la seule capitale. Ces manifestations étaient d'une ampleur telle qu'il faut remonter « au moins au début des années 1970 » pour retrouver autant de monde dans les rues à l'occasion de la Fête du Travail, selon des sources policières. Il est sûr que ce 1er mai 2002 avait un goût particulier. La présence du candidat d'extrême droite au second tour de l'élection présidentielle a poussé les syndicats à laisser leurs revendications sociales et salariales de côté. Ils se sont unis à toutes les associations et aux citoyens pour dire non. Non à la montée des idées extrémistes, non à une France xénophobe et sectaire. Non à Le Pen et aux valeurs qu'il prône. Ce mercredi, les lycéens et étudiants, mobilisés depuis les résultats du premier tour le 21 avril dernier, sont aussi descendus en masse dans la rue aux côté de familles entières et de nombreux élus de gauche – notamment François Hollande, Martine Aubry, Elisabeth Guigou, Dominique Strauss-Kahn, Bertrand Delanoë, et Bernard Kouchner. Les slogans de ce 1er mai rejoignaient deux principales idées : «Première, deuxième, troisième génération, nous sommes tous des enfants d'immigrés» et «F comme fasciste, N comme nazi». Des appels à la solidarité et au rejet du FN mêlés de messages sévères à l'encontre du président – candidat. «Contre le Pen, je soutiens Chirac comme la corde soutient un pendu» : les manifestants, parmi lesquels très peu élus de droite, ont ainsi voulu rappeler à Jacques Chirac qu'il allait bénéficier d'un vote en masse. Un plébiscite qu'il doit voir comme un rejet de son rival, et non comme une adhésion de 80 % (l'estimation des voix favorables au candidat RPR) de Français. Une affluence exceptionnelle que le leader du FN a quant à lui tenu ce jeudi à relativiser. «Il y a 60 millions de personnes (en France) et il faut ramener (le) chiffre d'un million de manifestants à ce chiffre de 60 millions pour rendre compte de la relativité des gesticulations de la rue par rapport à la réalité profonde», a-t-il lancé. Une équation qui pourrait lui être retournée concernant son «rassemblement» un peu plus tôt dans la journée. Le chef d'extrême droite avait en effet donné rendez-vous à ses militants pour un hommage à Jeanne d'Arc. Pourtant mobilisés par la mise à leur disposition de très nombreux cars, ils ne sont que 10.000 à s'être rendus dans la capitale, selon la police. «Fiers d'être français », ces militants lepénistes ont défilé avec des slogans tels que «Nous ne sommes pas des enfants d'immigrés» ou «Le Pen à l'Elysée, Chirac à la Santé (prison)». Dans son discours devant la statue de celle qui, selon lui, a sauvé la France - cette fois-là des Anglais lors de la Guerre de Cent ans -, le leader du FN s'en est pris à Jacques Chirac qui chercherait à être réélu pour «échapper aux juges». Il a aussi appelé les électeurs de gauche à voter pour lui afin de « rejoindre la grande masse du peuple français». Et d'ajouter ce jeudi : «c'est très gentil de faire descendre les gens dans la rue le 1er mai. Mais après le 1er mai, il y a le mois de mai, et celui de juin. Le printemps peut-être chaud». Et le leader frontiste d'assurer qu'il prendra alors sa «casaque de président du FN» et sera «en tête des 577 candidats qui vont se présenter aux élections législatives».