L'histoire des femmes en course est liée à la fois au développement du sport automobile et à celui des droits des femmes. Contrairement à ce que beaucoup croient, la libéralisation des femmes débute dès la fin du XIXe siècle, du moins, en Europe continentale. Ainsi, en 1888, Bertha Benz part en vadrouille avec une voiture conçue par son mari. S'il n'y a pas vraiment de grande femme pilote avant la Première Guerre mondiale, c'est en partie parce que le sport automobile était balbutiant. Les pilotes professionnels étaient rares. Les choses bougent dans les années 20. Avec les cyclecars, le nombre de compétitions explose. Il est désormais possible de courir avec un budget (relativement) limité et quasiment sans équipe technique. Pour les plus riches, Bugatti, Mercedes et plus tard Alfa Romeo proposent des voitures de course quasiment clé-en-main. Voulant imiter les hommes, certaines s'attaquent au sport automobile. Violette Morris, «Hélé Nice», la Britannique «Mildred» Bruce ou l'Irlandaise Fay Taylour passent derrière le volant. La Tchèque Eliška Junková commence comme mécanicienne pour son mari de pilote, avant de devenir pilote. «Junek» remporte une épreuve au Nürburgring, en 1927, quelques mois avant que Morris ne s'impose au Bol d'Or. Ce sont les deux premières grandes victoires «scratch» pour des femmes. Au lendemain de la Deuxième guerre mondiale, les roadsters anglais débarquent aux Etats-Unis. Les circuits «routiers» se multiplient et certains autorisent les femmes. Donna Mae Mims et Denise McCluggage s'élancent ainsi, en tant que gentlewoman-driver. En Europe, les rallyes démocratisent le sport auto: on peut courir avec sa propre voiture. On voit apparaître des catégories «coupe des dames», preuve de l'engouement féminin. Annie Soisbault et Pat Moss se prennent au jeu. La petite sœur de Sterling décroche même des volants «usine». Malgré tout, le sport auto est souvent une activité annexe pour elle (McCluggage est journaliste, Soisbault tenniswoman et Moss fait de l'équitation), débutée sur le tard. Quant à Maria Teresa de Fillipis, elle devient la première femme à disputer un Grand Prix de F1. Dans les années 70, le féminisme est à son apogée. Certaines jeunes filles veulent devenir pilotes professionnels. De plus, grâce au sponsoring, les privés peuvent monter de vrais programmes mondiaux. «Cha Cha» Muldowney remporte plusieurs titres de dragsters. Janet Guthrie s'invite aux 500 miles d'Indianapolis, après un bras de fer surréaliste avec l'organisateur. En Europe, c'est encore en rallye que l'on trouve le plus de femmes. Les dentifrices Aseptogyl montent une écurie exclusivement féminine, avec des voitures roses. C'est une des premières utilisations marketing des femmes en course. Marie-Claude Beaumont s'essaie néanmoins au circuit. Lella Lombardi court en F1 et marque un demi-point. En 1975, Alpine réunit Beaumont et Lombardi pour Le Mans. Le point d'orgue de cette génération, c'est Michèle Mouton. Recrutée par Fiat France, puis par Audi, elle remporte 3 rallyes mondiaux. Un exploit unique à ce jour. Paradoxalement, il n'y a pas «d'effet Michèle Mouton». Les femmes des années 70 prennent leur retraite sans être remplacées. Il est vrai que l'escalade des budgets en rallye est un obstacle pour les privées. Après quelques éditions, la coupe des dames du WRC disparaît. Les femmes se retrouvent en ordre dispersé. Desire Wilson s'essaie à la F1, puis à l'Indycar, sans succès. Les Françaises Cathy Muller et Sandrine Nahon roulent en monoplace. Pas de miracle pour Giovanna Amati, qui essaie de qualifier une Brabham sans budget. Ellen Lohr effectue une longue carrière en DTM, avec Mercedes, mais n'obtient qu'une seule victoire. Quant à Jutta Kleinschmidt, elle remporte le Paris-Dakar 2001. Néanmoins, la polémique sur l'arrivée étouffe l'exploit. Les années 90 marquent l'arrivée de la «peapolisation» et du «glamour». Les femmes pilotes sont de moins en moins des garçons manqués. Priscille de Belloy, ex-mannequin, joue cette carte en rallye. En championnat japonais de F3000, l'Irlandaise Sarah Kavanagh use de ses charmes pour faire parler d'elle. Mais ça ne marche qu'un temps, car lorsque les résultats ne suivent pas, le retour de bâton est violent… Aux Etats-Unis, on se dit que pour élargir l'audience au-delà des hommes blancs, il faut des pilotes blacks, des Hispaniques, des femmes, etc. L'Indycar, alors en quête de «coups», offre ainsi un baquet à Sarah Fisher. Elle devient la première femme à décrocher une pole position. Puis, comme d'habitude, faute de moyens, elle doit renoncer (elle reviendra un peu plus tard.) Alors l'Indycar cherche sa nouvelle star: ce sera Danica Patrick. Elle est placée chez Rahal, puis chez Andretti: c'est la première fois qu'une femme dispose d'une voiture réellement compétitive. Le Cart, série rivale, réagit et installe l'Anglaise Katherine Legge chez KV. Le DTM est sur une démarche similaire de «quotas». Vanina Ickx et Susie Stoddart-Wolff atterrissent dans la série. En parallèle, la «Danicamania» bat son plein. En 2008, l'Américaine gagne une épreuve au Japon. Surtout, elle n'hésite pas à poser en bikini ou à tourner dans des spots de pub pleins de sous-entendus. Pour son sponsor GoDaddy, c'est le jackpot! De quoi convaincre les patrons d'écuries que les femmes peuvent gagner et qu'à défaut, elles sont de très bons vecteurs de notoriété. Ainsi, on voit apparaître de plus en plus de femmes sur les circuits. Au Maroc également, on retrouve aujourd'hui des femmes dans les legend cars, la Clio RS Cup et autres championnats qui réalisent de belles performances.