En sa qualité d'ingénieur des Mines, rompu au domaine pétrolier, Abraham Serfaty s'exprime sur les licences accordées par le polisario aux compagnies britanniques, “premier oil“ et “sterling energy“. Il les considère juridiquement nulles et clarifie sa position sur le dossier du Sahara qui a fait couler, dans le passé, beaucoup d'encre. ALM : Le polisario vient d'accorder des droits d'exploration du pétrole au Sahara à deux compagnies britanniques. Qu'en pensez-vous ? Abraham Serfaty : Il n'a pas le droit de donner des autorisations à des compagnies pétrolières. Certes, l'affaire du Sahara est entre les mains de l'ONU, mais c'est le Maroc qui assure une souveraineté provisoire sur ce territoire. Pourquoi dites-vous provisoire ? Parce qu'elle sera effective, complète et d'une certaine façon souveraine quand le problème du Sahara sera résolu. Et il le sera ! Le Maroc a déjà accordé des licences de prospection à Total et Kerr-mcgee. Ces deux compagnies prospectent actuellement au Sahara. L'ONU a émis des réserves sur les travaux de forage. Nous n'en sommes pas encore là. Les travaux préliminaires durent trois ans avant d'arriver au forage. Entre-temps la question du Sahara sera réglée. Qu'est-ce qui vous fait dire que le problème du Sahara sera réglé dans un délai de trois ans ? Mais regardez autour de vous ! Il y a des indices qui ne trompent pas. La position de l'Espagne n'a jamais été aussi positive à l'égard du Maroc. La mission de la Minurso qui a été prolongée de six mois, alors qu'elle l'était auparavant seulement de trois. Sans parler de l'agitation du polisario. Quelle est votre position, aujourd'hui, sur le Sahara ? Le principe de l'union du Maroc et du Sahara reste valable ! Je suis pour ce qu'on appelle la troisième voie. En d'autres termes : je ne suis ni pour une simple annexion, ni pour une véritable indépendance. Ma position participe de la même optique que celle défendue actuellement par les autorités marocaines: une autonomie effective aux Sahara sous souveraineté du Maroc. Les partis politiques qui parlent de provinces du Sud font de la surenchère un peu bête. Ils feraient mieux de se rallier à la troisième voix et de concentrer leur énergie en se battant pour l'autonomie du Sahara. Revenons aux licences accordées par le polisario à “premier oil“ et “sterling energy“. Juridiquement, les deux compagnies britanniques peuvent-elles prospecter au Sahara ? Non ! Et il serait vain se s'attarder outre mesure sur les suites qui seront données à ces licences. Il faut savoir que les deux compagnies britanniques sont très petites. Elles n'ont même pas les moyens d'effectuer des travaux d'exploration. Leur intérêt pour cette région vient, selon le journal «Times», de la découverte de réserves de pétrole en Mauritanie… C'est une erreur de penser que le bassin pétrolier du Sahara prolonge celui de la Mauritanie. Ils sont distincts. Par conséquent, des compagnies qui gambergent sur d'éventuels prolongements entre les deux régions ne me semblent pas très sérieuses. Et puis, tant qu'à chercher des prolongements pétrolifères, pourquoi pas entre le Sahara et l'Angola ? Puisque c'est toute la côte atlantique de l'Afrique qui est pétrolifère. Que signifient alors les manœuvres des deux compagnies britanniques et du polisario ? Il existe des tas de calculs qui interviennent dans ce genre d'opérations. J'ignore lesquels, mais au mieux, il me semble que ces deux petites compagnies n'ont pas assez étudié la question du point de vue géopolitique avant de demander des autorisations au polisario. C'est peu vraisemblable, mais compte tenu de la modestie de leur taille, c'est possible. A vrai dire, cette affaire ressemble à de la poudre aux yeux. Les deux sociétés britanniques ont leur compte, le polisario y trouve le sien, et certainement le journaliste du «Times» aussi.