Ponctué de plusieurs manifestations artistiques (foires biennales, expositions sur tout le territoire national), le marché national de l'art a, certes, changé ces cinq dernières années. L'anarchie persistant, la professionnalisation n'est pas encore d'actualité. «Malheureusement beaucoup de non professionnels se sont positionnés sur ce marché, ainsi les choses pérennes qui doivent soutenir une profession ne se sont jamais mises en place et on se retrouve aujourd'hui avec des métiers qui ne sont pas structurés. On a misé sur l'éphémère juste pour avoir son moment de gloire», déplore Kenza Amrouk, installée entre Paris et Casablanca et conseillère en art contemporain. Le métier de galeriste, restreint aujourd'hui à un ou deux individus par structure, semble être au cœur de la problématique d'un tel état du marché. «Les galeristes marocains tels qu'ils sont structurés n'ont pas forcément tous les atouts pour se mesurer aux mastodontes étrangers», explique l'ex-directrice d'une galerie d'art à Paris. «Il me semble indispensable de créer un comité des galeries d'art et définir un besoin général et non individuel». Ce n'est que de cette manière que les grandes lignes d'une stratégie en bonne et due forme apparaîtront plus aisément. Le lobbying face à un ministère plutôt ouvert au débat n'en sera que facilité. Sur le plan purement économique, la demande devra être identifiée de telle sorte à ce que le gouvernement puisse légiférer et installer les mécanismes fiscaux nécessaires à l'instar de ce qui se passe ailleurs. «Par définition, les artistes sont des visionnaires, d'où l'importance de découvrir ceux de demain. Il faut éviter les effets de mode et scruter les artistes émergents à fort potentiel. Cette démarche sous-entend une prise de risque de la part des promoteurs plus importante», rappelle Kenza Amrouk qui a accompagné plusieurs artistes toutes nationalités confondues. Pour l'heure le diagnostic général a été établi de nombreuses fois par les artistes. «Le pays a besoin d'infrastructures adaptées et une politique culturelle. La mise en place de formations liées à ce métier dans les universités est nécessaire». Car les faits sont têtus : aux matières de musique, dessin, art plastique et théâtre dispensées dans le système éducatif européen, le vide absolu en la matière vient sonner dans l'enseignement public marocain. Aujourd'hui, la prise de conscience semble réelle mais l'offre est souvent rare ou coûteuse. «Il faut faire en sorte que nos enfants s'éduquent dès leur plus jeune âge à l'art et que cela devienne naturel pour eux d'aller voir une exposition et de parler art», conseille Kenza Amrouk. Sur un autre registre, le développement du mécénat devrait être salutaire à la promotion des artistes. «Il ne faut pas seulement compter sur des subventions étatiques mais développer le mécénat d'entreprise. Aux Etats-Unis, le marché ne fonctionne que comme cela». L'ouverture de nos propres collections à des artistes étrangers serait aussi un axe stratégique à envisager. «La démarche permettra de donner plus de valeur aux collections natio-nales et a fortiori aux artistes marocains». Mais la démarche globale de mise à niveau ne pourra s'effectuer que par le renforcement du Syndicat des artistes plasticiens marocains et de l'Association nationale des artistes plasticiens de l'art contemporain. Ce n'est, en effet, que de cette manière que les lois et les différentes actions pour une professionnalisation du domaine pourront être possibles. Pour l'heure, le débat demeure ouvert et les différentes parties en attente. L'absence de cotation n'arrangeant guère les choses. «J'ai l'impression que les artistes et les galeristes fixent les prix par rapport au résultat obtenu durant les ventes aux enchères. On se retrouve avec des prix qui font dresser les poils. Sur le plan national, le marché existe peut-être et les œuvres affichant de tels prix peuvent être éventuellement accessibles pour les pays du Moyen-Orient mais pour le marché occidental, les prix sont trop élevés pour des artistes peu exposés sur la scène artistique internationale». Il s'agit du principal frein à l'exportation des œuvres d'art. Y remédier représenterait le début d'un pas vers une restructuration du marché de l'art contemporain. On en est encore très loin…