Pour Abdallah Alaoui, président de la Fédération de l'énergie, les jeux sont faits. L'arbitrage royal exige un accompagnement adéquat. L'horizon est désormais clair pour une démocratie participative dans le domaine de l'énergie. Entretien. ALM : Suite à l'arbitrage royal en matière de politique des hydrocarbures, quelle est votre vision future de la politique énergétique ? Abdallah Alaoui : L'énergie, bien de première nécessité, facteur de compétitivité, nécessite une stratégie spécifique. L'énergie devra être une préoccupation quotidienne des pouvoirs publics, la consommation des Marocains est très faible, ne dépassant pas 400 kg par personne et par an alors que la moyenne européenne se situe avec les 4,2 Tep par personne et par an. Les besoins de nos concitoyens avec le relèvement de leur pouvoir d'achat sont appelés à croître dans les vingt années à venir. L'aspiration à la qualité de la vie et au confort conduira sans nul doute nos concitoyens à se chauffer en hiver, s'éclairer et se déplacer davantage. La politique de l'énergie tiendra compte du comportement et du fonctionnement d'une nouvelle société en perpétuel mouvement. L'énergie est aussi un facteur déterminant de la compétitivité de nombreux secteurs industriels et donc indirectement de la pérennisation de nombreux emplois. Vous plaidez pour l'intégration de la composante énergie comme composante de l'aménagement du territoire. Quel est l'intérêt escompté? En effet, l'énergie est une composante essentielle de l'aménagement du territoire national. Le développement des infrastructures de transport et de distribution et le stockage du pétrole et du gaz naturel sont des éléments importants pour un développement équilibré des territoires. La politique énergétique doit s'inscrire dans le long terme. L'importance capitalistique des investissements dans le secteur de l'énergie qui se chiffre par une dizaine de milliards de $ et leur durée de vie font en effet que les décisions d'aujourd'hui dessineront le paysage énergétique des années 2020, 2050 et au-delà. La politique énergétique doit, enfin tenir, compte de plus en plus de l'environnement ; en particulier les consommations d'énergie fossile sont à l'origine de la majeure partie des émissions de gaz à effet de serre et corrélativement du changement climatique. À terme, quels sont les axes majeurs du développement futur? À mon sens, la politique énergétique est à mener selon quatre objectifs majeurs. En premier, garantir la sécurité d'approvisionnement. Cet objectif peut être atteint par un sérieux programme d'économie d'énergie, une diversification des sources d'énergie. Aussi, la variété et la pérennité notamment grâce au recours de contrats de long terme, des sources d'approvisionnement employé pour une même énergie. Un point important porte aussi sur le développement des capacités de stockage disponibles. En parallèle, il faudra veiller à l'existence d'interconnexions entre les pays pour les énergies de réseau ainsi qu'à la mixité des installations chez le consommateur final. Le second axe reste la garantie d'un prix compétitif de l'énergie. Le troisième point, le plus important, est de garantir l'accès de tous les Marocains à l'énergie. Pour mettre en œuvre cette politique, il est nécessaire, à l'instar des travaux du Conseil supérieur de l'aménagement du territoire d'engager un débat national qui permettrait de dégager des pistes pour atteindre ces objectifs de la maîtrise de la demande de l'énergie, de la diversification du panier énergétique, de l'assurance d'un transport de l'énergie efficace et des capacités de stockage suffisantes ainsi que du développement de la recherche dans le domaine de l'énergie. Comment comptez-vous œuvrer pour la réalisation de ces objectifs ? L'actuel ministre de l'Energie se propose, d'ailleurs, avec la Fédération de l'énergie d'édifier un espace de réflexion où tous les acteurs se mobiliseront pour définir une politique énergétique globale, de fixer des objectifs et de les mettre en œuvre. Un débat national ouvert à tous et notamment à la société civile est programmé afin d'écouter et d'associer le plus grand nombre d'acteurs et d'opérateurs à la définition de la politique énergétique, afin que celle-ci soit le résultat d'un choix de société et non d'une simple décision technique. Le Centre d'etudes et de prospectives énergétiques qui se déploiera à la rentrée 2004 associera, dans un partenariat exemplaire, opérateurs publics et privés, pouvoirs publics, personnalités qualifiées et experts internationaux, pour mettre en commun les moyens d'observation et d'études tout en recueillant les préoccupations suite aux débats engagés. Il paraît seul susceptible, de l'avis général au Maroc, de mettre à plat les enjeux et de dégager l'horizon, en identifiant les faux problèmes et les vrais choix, et en réduisant ainsi les incertitudes au niveau minimum inhérent aux activités énergétiques. Le concept de la démocratie participative dans le domaine de l'énergie, s'il est savamment animé, contribuera sans nul doute à faire ressortir les synergies et découvrir des talents humains insoupçonnés.