Quand l'énergie devient plus chère, l'économie entière en pâtit. Et se profile le spectre de la spirale, tant redoutée : hausse des prix génératrice d'inflation, ralentissement de la consommation infléchissement de la hausse du PIB. Le Maroc est, pour l'instant, épargné. Sommes-nous en train de vivre un nouveau choc pétrolier ? Depuis la flambée des prix, suite à l'attaque armée le 1er mai contre un site pétrolier saoudien au terminal de Yanbu où cinq ingénieurs occidentaux du groupe suisse ABB ont été tués, il faut croire que cette hypothèse est envisageable. Un ensemble de facteurs y contribue. Le marché est toujours très préoccupé par les risques d'attentats terroristes au Moyen-Orient, première région pétrolière du monde, la situation en Irak et par la pénurie d'essence aux Etats-Unis avant le début de la saison de forte consommation. Quand l'énergie devient plus chère, l'économie entière en pâtit. Et se profile le spectre de la spirale tant redoutée : hausse des prix génératrice d'inflation, ralentissement de la consommation, infléchissement de la hausse du PIB. Le prix du pétrole restera élevé car la croissance est là, augmentant les besoins énergétiques, et l'offre pétrolière, qui demeure juste suffisante, continuera de primer sur la demande. Par contre, il a suffi d'une déclaration du ministre saoudien du Pétrole, Ali Al-Nouaïmi, pour qu'un semblant d'accalmie affleure. Il a appelé, lundi 10 mai, à augmenter la production de l'Opep d'au moins 1,5 million de barils par jour (mbj), provoquant aussitôt une baisse des cours qui avaient atteint vendredi leur plus haut niveau depuis près de 14 ans. "Le royaume pense qu'il est essentiel de relever le plafond de production de l'Opep pour maintenir l'équilibre entre l'offre et la demande (...). Nous estimons que cette augmentation devrait être d'au moins 1,5 mbj", a déclaré dans un communiqué M. Nouaïmi, dont le pays est le chef de file de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole. En hausse continue depuis fin 2003, le prix du baril a atteint 40 dollars vendredi en séance à New York, soit son plus haut niveau depuis près de 14 ans. Ses propos semblaient rassurer le marché où les cours du pétrole ont aussitôt chuté lundi. Vers 10h00 GMT, le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en juin, référence sur l'International Petroleum Exchange (IPE) de Londres, chutait de 1,16 dollar à 35,84 dollars. Sur le New York Mercantile Exchange (Nymex), le prix du baril de brut pour livraison en juin perdait 1,28 dollar à 38,65 USD, lors des échanges électroniques précédant l'ouverture officielle. Dans ce contexte volatile, quel impact a cette hausse sur l'économie marocaine ? Elle subira assurément l'onde de choc de la flambée des cours du pétrole sur le marché international. Cette hausse aura des conséquences sur l'économie nationale, mais globalement son impact sur "les grands équilibres macro-économiques serait relativement maîtrisable", estimait la Direction de la politique économique générale (DPEG), dans une note datée du mois d'avril 2004. Le renchérissement du prix du pétrole se traduirait par une diminution du solde du compte courant de 0,7 et 0,8 point du PIB respectivement en 2004 et 2005, souligne la DPEG qui vient d'établir une simulation d'impacts d'une hausse des cours du pétrole de 25 % par rapport au prix de 25 dollars/ baril retenu dans le cadre de la Loi de finances 2004. La hausse de la facture énergétique occasionnerait également une contraction des avoirs extérieurs nets estimée à 8,4 % en 2004 et 9,5 % en 2005, ajoute la DPEG. Le taux d'inflation, pour sa part, progresserait de 0,2 % en 2004 et 0,9 % une année après, sous l'effet de la répercussion partielle de la hausse des cours du pétrole sur les prix intérieurs. Cette hausse éventuelle du taux d'inflation se répercutera sur la consommation privée qui se replierait légèrement de 0,1 % en 2004 avant de baisser de 0,3 % en 2005, estime la même source. Sur les finances publiques, il ressort de la simulation de la DPEG, une hausse de 0,1 % des dépenses publiques. De leur côté, les recettes ordinaires augmenteraient de 0,7 et 0,9 point respectivement en 2004 et 2005, au moment où la hausse des recettes de la TVA et des droits de douane sur les importations pétrolières devrait partiellement compenser la diminution des recettes de la TIC d'où une amélioration du solde budgétaire de 0,1 point du PIB en 2004 comme en 2005. Selon la DPEG, l'effet du renchérissement des cours du brut sur l'économie nationale ne devrait être ressenti qu'à partir de la deuxième année où le PIB reculerait de 0,3 % et entraînerait dans son sillage une légère aggravation du chômage de l'ordre de 0,1 %. Par ailleurs, l'appréciation récente du dirham face au dollar laisse présager qu'une partie de la hausse des cours pétroliers pourrait être absorbée par l'effet de change, estime la DPEG, suggérant, toutefois, pour contrecarrer la dépendance du Maroc vis-à-vis de l'étranger, de mettre en oeuvre une politique axée sur la diversification des ressources énergétiques. La DPEG estime également important "d'oeuvrer activement dans le sens du renforcement de la coopération régionale en matière énergétique, notamment à travers l'aboutissement du processus d'intégration à l'échelle maghrébine en vue d'exploiter les opportunités de complémentarité qui existent entre les divers pays du Maghreb".