La banque centrale du Maroc a décidé de relever son taux d'intérêt directeur le 23 septembre, jugeant que l'impact de la hausse de l'inflation sur la croissance économique était plus préoccupant que les effets de l'actuelle crise financière internationale. Bank Al-Maghrib a relevé son taux directeur de 25 points de base, à 3,5%. L'inflation en glissement annuel s'est établie à 4,8% en août, marquant un recul par rapport au pic de 5,1% atteint au mois de juillet, mais elle s'est légèrement accélérée par rapport au mois de juin qui affichait un taux de 4,7%. Pour sa part, l'inflation sous-jacente, que Bank Al Maghrib suit de très près, s'est accélérée au cours du mois d'août, atteignant 4,4%, contre 4% en Mars. La décision de la banque centrale d'augmenter ses taux a été prise à la lumière des risques de progression du taux d'inflation, qui devrait dépasser l'objectif annuel de 2,3% que le gouvernement s'était fixé. Contenir la hausse des prix est un objectif phare de la politique gouvernementale - qui prévoit un taux annuel de 2,5% l'année prochaine, de 2,3% en 2010 et de 2,1% en 2011, et qui a doublé le montant des subventions à hauteur de 3,9 milliards de dollars au cours de l'année écoulée pour tenter de juguler le renchérissement du prix des denrées alimentaires et du pétrole. Néanmoins, la hausse des taux d'intérêt ne fait pas l'unanimité. En effet, certains hommes d'affaires redoutent les effets d'une hausse du coût de l'emprunt sur la croissance économique, et questionnent la pertinence du moment choisi. Le système financier mondial est actuellement victime d'un ralentissement des octrois de crédit à travers le monde qui a conduit à la faillite ou au rachat de plusieurs grandes banques, comme Lehman Brothers aux Etats-Unis et HBOS (Halifax-Bank of Scotland) au Royaume-Uni. Cette crise trouve son origine dans la diminution sensible des opérations d'emprunt interbancaire, qui est appelé à devenir plus cher au Maroc suite à l'augmentation du taux. Par ailleurs, la croissance du marché européen, principal marché à l'export pour le Maroc, devrait ralentir au cours des deux prochaines années. Ainsi, le Fonds monétaire international (FMI) table sur une croissance du PIB espagnol de 1,8% en 2008 et de 1,7% en 2009, et au regard des difficultés que traverse le marché du logement espagnol, ces prévisions pourraient même s'avérer optimistes. De son côté, le Maroc a connu une croissance de 2,2% l'année dernière malgré la conjoncture défavorable, ce qui, en principe, justifierait pleinement un gel des taux d'intérêt. Néanmoins, Bank Al Maghrib ne baisse pas la garde face à l'inflation. En l'absence d'une hausse des taux, le Conseil de la banque centrale craint l'émergence d'une spirale inflationniste qui pourrait affecter les perspectives de croissance à long terme. «Le Conseil considère qu'il est essentiel de prévenir les effets de second tour d'inflation en limitant les risques sur la stabilité des prix à moyen terme, afin de préserver le pouvoir d'achat et de maintenir les conditions nécessaires à une croissance viable», a indiqué la banque centrale dans un communiqué. Adbdellatif Jouahri, gouverneur de Bank Al Maghrib, avait donné un avant goût du diagnostic de l'institution jujeant que l'inflation présentait un plus grand risque pour l'économie que la crise financière gloable. Il a en effet déclaré à la presse locale, le 18 septembre dernier: «Pour le moment, c'est l'inflation qui reste préoccupante, car malgré les contrôles, l'inflation est importée...Nous ne sommes pas touchés par la crise internationale car nous n'avons pas de subprimes dans nos banques. Nous ne sommes pas concernés par la crise immobilière et nos banques ne portent pas ce genre d'actifs». Si les effets de la crise immobilière et du resserrement du crédit n'ont pas fini de contaminer l'économie mondiale, M. Jouhari a certainement eu raison de citer le renchérissement des prix comme préoccupation majeure. En effet, l'inflation tend à perturber le marché et à faire fuir les capitaux étrangers, sous l'effet de la dégradation du pouvoir d'achat des consommateurs et du poids du renchérissement du coût du crédit sur l'investissement, qui contribuent à créer un climat d'incertitude autour des perspectives économiques et à une intensification des préoccupations sociales. Mais comme l'indiquent les chiffres publiés par la banque centrale et le gouvernement, la croissance devrait atteindre 6,8% cette année - ce qui est loin d'être une situation de crise. Si l'on observe des signes de refroidissement des pressions inflationnistes, sous l'effet d'une baisse des prix du pétrole autour de 105 dollars le baril et d'une meilleure campagne agricole permettant de garantir des prix modérés, Bank Al-Maghrib a indiqué qu'elle resterait «vigilante quant à l'évolution des riques inflationnistes au cours des prochains mois». La prudence et le durcissement de la politique monétaire du Maroc représentent un pas dans la bonne direction. • Oxford Business Group 7 octobre 2008