«Le fantasme est un aphrodisiaque naturel», nous explique Dr Mustapha Rassi, sexologue. Et d'ajouter : «La richesse fantasmatique reflète la santé sexuelle d'un partenaire. Plus on a de fantasme plus on est épanoui sexuellement. Les gens qui n'ont pas de fantasme souffrent plus dans le rapport au désir et jouissent moins». Faisant partie de la vie, et plus particulièrement de la vie sexuelle, le fantasme est défini par les sexologues comme la construction imaginaire d'un scénario permettant d'accéder au désir et au plaisir. C'est en quelque sorte un compromis entre réalité extérieure et intérieure, entre pulsions et interdits. Son territoire reste l'imaginaire. Un imaginaire qui peut être stimulé par un regard, une odeur, un goût, des mots doux ou torrides, bref par les cinq sens. On comprend, dans ce sens, la fameuse phrase : «Le cerveau est le plus grand organe sexuel». Et qui n'a jamais eu de fantasme? Différentes enquêtes montrent que 90 à 95% des hommes et des femmes ont des fantasmes sexuels. Evidemment, pendant longtemps, les fantasmes masculins ont été plus mis en avant. Dans ce sens, il est intéressant de savoir que les scénarios de films pornographiques , pour la plupart machistes, sont essentiellement basés (avec l'aide de sexologues) sur des fantasmes, bien sûr en grande majorité masculins. Dans le même ordre d'idées, selon Rassi : «la pornographie annihile la liberté fantasmatique à travers une profusion de clichés et de standards sexuels». Par ailleurs, on a commencé de parler de fantasmes sexuels féminins que dans les années 70 notamment à travers des écrits comme ceux de la psychologue américaine Nancy Friday qui a édité son premier livre My Secret Garden (Mon jardin secret) en 1973 et dont l'œuvre a été étudié par plusieurs sexologues. Aussi parmi les fantasmes les plus fréquents révélés par une étude canadienne, on cite chez l'homme : La domination phallique, faire l'amour à l'anti-madone (la prostituée), le voyeurisme, être dominé par la femme… Chez la femme, il y a l'exhibitionnisme, la domination de l'homme, le désir de soumission , l'homosexualité féminine, la zoophilie ou le désir d'incarner être l'anti-madone. Cette étude peut également être valable par rapport au contexte marocain, puisque fantasmer se fait chez tout le monde de la même manière, régi en plus grande partie par un processus mental et chimique. Le cerveau contrôle la libération des hormones et la sécrétion de neurones médiateurs qui rendent le corps prêt à l'acte et qui rendent possible un orgasme. Mais bien sûr fantasmer sur les derrières des filles peut être tout de même considéré comme le sport national par excellence dans les cafés marocains. Selon Dr Rassi, le fait que les hommes focalisent sur les rondeurs des femmes est plus fréquent dans la culture arabe et africaine qu'ailleurs. Mais à quel degré est-il sain d'avoir des fantasmes. «Fantasmer peut être parfaitement sain du moment que cela reste dans le jardin secret de tout un chacun. Une fois révélé c'est une vraie bombe à retardement» nous explique Dr Rassi. «Imaginez qu'une femme marocaine dise à son mari lorsqu'elle est au lit avec lui qu'elle pense à George Clooney, qu'une autre révèle qu'elle stimule ses fantasmes zoophiles pour avoir plus d'excitation lors des rapports sexuels. Cela est vexant pour le mari et le contraire est aussi valable pour l'épouse. Cela peut engendrer de graves bouleversements dans le couple». Il faut que ça reste secret, sinon ce n'est plus un fantasme. Et le passage à l'acte s'avère souvent décevant (voir entretien avec Hachem Tyal sexologue page 29).Et au Maroc, le pas reste tout de même moins franchi qu'ailleurs. Ainsi un désir de tromper sa femme peut se transformer en un fantasme qu'on révèle à sa partenaire et qu'on concrétise avec sa complicité par un passage à l'acte. «En France, il y a souvent le passage à l'acte pour réaliser ses fantasmes de voyeurisme, exhibitionnisme notamment à travers des clubs échangistes ou en faisant l'amour dans des box», explique le sexologue. Et d'ajouter : «Les sexologues en France ont plus de problèmes liés à une transparence excessive entre les partenaires que dans des sociétés qui restent conservatrices».