Approuvé récemment en conseil des ministres, le projet de loi sur l'urbanisme continue de susciter les critiques parmi la classe politique. Les députés, et surtout les élus locaux, estiment que cette loi va à l'encontre de la Charte communale. Principal grief, ce texte concentre l'essentiel du pouvoir entre les mains de l'autorité locale. Celle-là même qui est tenue pour responsable de manière directe ou indirecte de la prolifération de l'habitat anarchique. Le projet de loi n°04-04, édictant diverses dispositions en matière d'habitat et d'urbanisme, est un véritable tournant en matière d'urbanisme. En effet, les droits et les devoirs des différents intervenants sont complètement redéfinis. Ainsi, le projet de loi consacre un rôle déterminant au gouverneur. Certes, le président du Conseil communal continue, en vertu de la charte communale, à délivrer le permis de construire. Toutefois, le projet de loi n°04-04, qui rappelons-le, modifie et complète la loi 12-90 relative à l'urbanisme, fixe un certain nombre de garde-fous à l'exercice de ce droit. C'est ainsi que l'octroi du permis de construire est subordonné à une condition: l'approbation par l'Agence urbaine du dossier technique relatif à la demande de permis de construire. Certains élus ont estimé que cette condition est, en définitive, un moyen subtil de limiter leurs pouvoirs en matière d'octroi des permis de construire. Ce qui est sûr, c'est qu'en vertu du projet de loi n° 04-04, les élus risquent de lourdes peines, s'ils octroient des permis de construire ou d'habiter en violation des procédures légales et réglementaires. La peine d'emprisonnement varie, dans ces situations, entre trois mois et quatre ans. Quant à l'amende, elle oscille entre 2.000 et 500.000 DH. De quoi dissuader plus d'un. Nul doute que la position du département de Taoufiq Hjira est défendable dans une certaine mesure. Il suffit de se rappeler que le Souverain Lui-même a pointé du doigt et à maintes reprises la responsabilité des élus dans la prolifération du phénomène des bidonvilles et de l'habitat insalubre. En fait, cette réforme, toute entière, fait suite aux nombreuses directives et messages royaux. Le dernier en date a eu lieu au cours du discours royal d'Al Hoceïma, le 25 mars dernier. Dans cette intervention historique, SM Mohammed VI a souligné sa "ferme volonté de mettre fin à toutes pratiques illégales pour lesquelles le pays tout entier paie un lourd tribut chaque fois que survient une catastrophe naturelle", telle que le séisme d'Al Hoceïma. Ce qui semble déranger, par contraire, c'est la politique du deux-poids deux-mesures, instaurée par ce projet de loi. En effet, le gouverneur est placé au centre du dispositif de vigilance. Conformément à l'article 64 du projet de loi, le contrôle du respect des dispositions légales, ainsi que celles des règlements de construction et d'urbanisme, est effectué à l'initiative du gouverneur, de son propre chef ou à la demande des autorités concernées. Le gouverneur peut ainsi ordonner aux officiers de la police judiciaire de constater toute infraction à la loi. Il peut déposer une plainte auprès du procureur du Roi compétent. Le projet de loi rappelle, toutefois, que "le président du Conseil communal soit informé". En attendant l'issue du procès, le gouverneur peut ordonner la saisie des outillages et la fermeture du chantier et sa mise sous scellés. Alors que les gouverneurs sont érigés en "sauveurs de l'urbanisme marocain", les élus sont présentés comme l'origine du mal. C'est le principal point faible du projet de Hjira. N'aurait-il pas été plus judicieux de prévoir, dans le même projet de loi, des sanctions (aussi sévères, sinon plus que celles relatives aux élus) à l'encontre des gouverneurs? D'ailleurs, cela serait en totale conformité avec les directives royales où, rappelons-le, le Souverain s'est déclaré dans le discours d'Al Hoceïma "déterminé à mettre un terme au laisser-aller et à tout laxisme ou négligence, de la part des pouvoirs publics et des corps élus qui doivent assumer pleinement les responsabilités". Voilà qui est on ne peut plus clair. Désormais, la bataille sera livrée au niveau du Parlement. Justement, les partis qui s'érigent en adversaires à ce projet de loi sont ceux de la majorité gouvernementale. Essentiellement ceux de la mouvance populaire. Un autre coup dur à la cohésion de la majorité.