Un islamisme soft débarque. Effet de mode ou volonté de dissiper les amalgames dont sont victimes les musulmans. Les animateurs associatifs, les théologiens et prédicateurs se mettent à la page pour ratisser large dans toutes les couches de la population. Le mot d'ordre est de dénoncer la violence et de dire que l'Islam ne fait pas peur. En gros, les Islamistes qui avaient pris part à la marche de Rabat, du 7 avril 2002, ont respecté les consignes : il n'y avait pas de grands dérapages. Encore moins cette volonté à se distinguer qui constitue un des éléments fondateurs des mouvances islamistes. Certes, il y a eu des slogans qui ne cadraient pas avec les consignes convenues entre les organisateurs. Des banderoles à connotation antisémite qui auraient pu mettre tout le reste de la marche dans l‘embarras. Mais les organisateurs ont pu maîtriser la situation. De là à dire que les Islamistes ont noyauté la marche et opéré un déploiement de force, il n'y a qu'un pas que certains ont allègrement franchi, sans retenue d'ailleurs. Au fait, l'islamisme au Maroc, du moins celui qui proclame sa volonté de jouer un rôle civique dans le contexte d'une construction démocratique en gestation, se conjugue plus à un esprit de concertation et de jeu démocratique qu'à une logique de rupture et de confrontation. Il est vrai que par moments, ce qui est tout à fait normal et cela se passe partout dans le monde, il arrive des mouvements ou des individus, pas très représentatifs, prônent la violence et la rupture avec le système en place et ses règles de jeu. Mais ces moments, sont vite dépassés et aisément circonscrits. On se rappelle au début des années soixante-dix, l'éclosion de la Chabiba al Islamia et son guide Abdelkrim Moutii. Elle a perpétré des actes plus contre des leaders politiques que contre les dignitaires de l'Etat, et dont l'attentat le plus scandaleux est celui qui a mis fin, le 18 décembre 1975, aux jours de Omar Benjelloun, dirigeant de l'union socialiste des forces populaires. Ce qui est étonnant dans cette affaire c'est que les exécutants se sont excusés auprès de tout le monde. Ils avouent avoir été manipulés… Plus encore, et très récemment, leur porte-parole, Mustapha Naimi, installé à Stokholm, parle de possibilité de participation au jeu démocratique et espère la régularisation de son mouvement. Ceux qui avaient attaqué l'Hôtel Atlas Asni ou sont impliqués dans l'entrée illégal d'armes à partir de la frontière algérienne ont mis beaucoup d'eau dans leur vin – le terme n'est pas approprié, c'est le moins qu'on puisse dire. Les disciples de cheikh Yassine arrivent à se conformer aux exigences de la légalité sans grands problèmes. Les sortyies de Nadia Yassine, de son époux, Chibani ou encore de Fathallah Arsalane et Moutawakkil ne différent pas trop de ce que disent les partisans du Parti de la justice et de la démocratie (PJD). Ce dernier mené par Abdelilah Benkirane, et surtout par le dr Saadeddine El Othmani, un psychanlyste bcbg, donne l'impression d'épouser les dogmes libéraux plus qu'autre chose. Malgré certains excès de temps à autre, et quelques frivolités à caractère isolé, dans telle ou telle localité excentrée… Cela pour dire que voir la marche de Rabat comme un signal de la forte présence islamiste au Maroc est d'une myopie politique de premier degré. D'abord, dès qu'il s'agit d'une cause qui fait l'unanimité des Marocains comme c'est le cas pour la Palestine, les divergences s'estompent. Les dirigeants de l'opposition qui critiquent ceux la majorité ont été tout aussi présents que les autres. S'il est vrai qu'on n'a pas toujours besoin d'unanimité, il n'en demeure pas moins vrai que les Islamistes marocains peuvent revendiquer leur identité ou leur point distinctif, comme un argument de propagande et de marketing politique. Cela ne veut en aucun cas dire qu'ils récusent le reste. Tout comme les chômeurs qui revendiquent du travail, ils ne récusent pas le droit de ceux qui travaillent à faire leur boulot… Avec des cas comme Nadia Yassine ou Saadeddine El Othmani, Al Mokrii Abouzeid ou même Abdelilalh Benkirane, sans parler des dirigeants d'Al Badil Al Hadari ou du Mouvement pour la Oumma, l'islamisme marocain donne l'impression d'être à la page. Et tranche avec certains prédicateurs enflammés ou certains théologiens qui n'ont plus rien à perdre et qui peuvent recourir à toutes les surenchères…