La fin de la vie active peut s'avérer être un véritable parcours du combattant pour nos vénérables aïeux. Entre refus de l'oisiveté et volonté de perpétuer un sens de la vie, chacun essaye dans la mesure du possible de garder le respect envers soi même et les autres. Après un long parcours de labeur et de travail, ils espèrent terminer leur vie le plus paisiblement possible. Leurs enfants devenus adultes, la participation au développement « actif» de la société touche à sa fin. Ce ne sont plus que de simples consommateurs pour qui le compte à rebours est déclenché. Il s'agit bien entendu des retraités. Déjà le mot retraite évoque la guerre. Battre en retraite quand l'ennemi se montre plus fort et plus offensif. C'est un peu le cas de nos parents et de nous-mêmes dans un temps ultérieur, à un certain stade de la vie où l'on ne se fait plus trop d'illusions pour «l'avenir». Quelles perspectives s'offrent aux retraités marocains ? Comment vivent-ils ? Et comment sont-ils perçus par les leurs, par la société ? De toute évidence, il serait impossible de généraliser dans ce sens, car les particularités de chaque couche sociale se reflètent à tous les âges. Toutefois, la majorité de nos retraités ont ce point commun de ne savoir plus où donner de la tête. Le temps devient long, surtout pour les analphabètes qui se voient dans l'incapacité de s'adapter à une sorte de chômage attardé, même rémunérés. Les plus coriaces d'entre eux refusent de déposer les armes et s'obstinent tant bien que mal à s'accrocher à un semblant d'activité lucrative. Cela va de la petite Honda pour le transport de marchandises au gardiennage ou une quelconque activité commerciale. D'autres font un retour plus réfléchi vers les terres de leurs aïeux, et défrichent tant bien que mal les quelques acres d'un héritage lointain. Haj Mohamed Lemâachi, retraité qui continue de travailler pour son propre compte en transportant des marchandises grâce à son permis de conduire datant de 1957, justifie cet acharnement sur le travail «Je ne peux pas me contenter de manger, boire et dormir ne servant plus à rien, alors que ma santé se porte très bien. Si j'étais malade ou souffrant, peut-être n'aurais jamais pensé à travailler car, Dieu merci, je ne manque de rien. Il s'agit seulement pour moi d'être en activité. D'autre part, je ne peux pas rester toute la journée à jouer aux dames et aux cartes comme le font mes congénères, je n'ai pas été élevé dans un système qui accepte l'oisiveté ». Cependant, si M.Lemâachi n'a cure de l'apport matériel de ses petites besognes, d'autres en ont immensément besoin. C'est le cas de Boujemâa Belqadi qui occupe le poste de gardien veilleur d'un magasin au marché de gros à Casablanca qui ne ménage pas ses impressions « Si vous croyez que je fais ce travail par plaisir, vous vous trompez. J'ai encore des enfants à nourrir, une maison à entretenir et un tas d'autres obligations. J'ai deux filles qui sont mariés, un fils travaillant dans une entreprise et qui arrive à peine à subvenir à ses propres besoins tout en vivant avec moi, et deux autres garçons qui poursuivent toujours leurs études au lycée. Je ne pense pas que 5500 dh de pension par trimestre seraient suffisants…». Argumentation convaincante lorsque l'on sait combien le coût de la vie est élevé de nos jours. A part le cours normal de leur vie quotidienne, nos retraités sont incapables de comprendre ou d'expliquer les modalités d'attribution de leurs pensions. Ils ne font pas la différence entre les régimes obligatoires de retraite et ceux qui sont facultatifs. En tout état de cause, les retraités marocains devraient s'estimer heureux comparés à leurs congénères d'Europe ou d'Amérique. Nos traditions socio-culturelles les privilégient, bien que cette tradition commence à connaître un déclin à cause d'une modernisation vertigineuse. Le respect des parents fait partie des fondements inébranlables de notre éducation et nos rapports familiaux.