Des élèves contestent les sapins de Noël Alsace, décembre 2002 «Pour la première fois, cette année, les arbres de Noël ont été contestés, en Alsace, par un certain nombre de familles.» La scène se passe le 18 juillet 2003. Le décor, solennel, est celui de la commission de l'Assemblée nationale sur les signes religieux à l'école, présidée par Jean-Louis Debré. Le sujet de la Laïcité préoccupe le Landerneau politique et les électeurs dans les circonscriptions. Le recteur de l'académie de Strasbourg, Gérard Chaix, qui rapporte ce jour-là cette revendication religieuse, assure que «les faits sont têtus». Cinq jours plus tôt, le proviseur du lycée parisien Henri-Bergson, Olivier Minne, a fait part devant la même instance de «la demande émanant d'un petit groupe d'élèves, repérés comme militants, que soit enlevé le sapin de Noël installé dans le hall puisqu'il leur était interdit de manifester leur identité religieuse». M. le proviseur en a assez. Dans son établissement, les islamistes durcissent le ton : «Plusieurs étudiants de section de technicien supérieur, en voyage d'étude en Normandie avec leur professeur, ont formellement refusé de participer à la visite du Mont-Saint-Michel, au motif que l'abbaye était un lieu de culte.» Pendant le Ramadan 2002, il a surpris deux surveillants en train de se livrer à du «prosélytisme religieux». Ils exerçaient même des «pressions inacceptables» sur «de jeunes surveillantes maghrébines au motif qu'elles ne respectaient pas le Ramadan». A la même époque, des garçons faisaient la prière entre midi et 14 heures dans un couloir peu fréquenté du sixième étage. Ils avaient même introduit un tapis de prière. Depuis quelques années, tout a changé. Autrefois anodine, la période de Ramadan est désormais propice aux dérapages. «Lors du jeûne de Ramadan, des garçons viennent parfois contrôler l'accès du self pour éviter que de supposés coreligionnaires viennent se restaurer», relève Roland Jouve, conseiller de Xavier Darcos, à l'époque ministre délégué à l'Enseignement scolaire. Un professeur agrégé d'histoire-géographie semble plus alarmiste encore : «Durant le mois du ramadan, des conflits naissent dans certains lycées et collèges où j'ai été témoin de la demande, normale durant ce mois, par des élèves musulmans de bénéficier d'une salle qui, lorsqu'elle leur est accordée, devient une salle de prière, prière dont est exclu tout élève non musulman. Il existe aussi des cantines scolaires d'écoles publiques primaires qui ont décidé de réserver des tables où sont servis des repas halal. Ainsi, les élèves musulmans qui ne souhaitent pas manger halal se trouvent stigmatisés par les autres et les enfants non musulmans qui souhaitent déjeuner avec leurs copains musulmans ne peuvent manger à ces tables.» Le porte-parole des enseignants du lycée public La Martinière de Lyon, Jean-Claude Santana : «Les jeunes filles, dans l'établissement, ont eu à subir au moment de Ramadan des pressions telles qu'elles ont dû sortir de la salle de réfectoire au motif qu'elles étaient présupposées avoir un faciès de musulmanes. Parmi elles, certaines sont d'origine indienne, de culture hindoue...» Le proviseur du lycée Jules-Ferry, à Paris, raconte le dernier incident survenu à sa connaissance, pendant les épreuves de BTS : «Un jeune homme est sorti de la salle de composition et s'est couché dans le couloir pour faire sa prière. Le surveillant est allé chercher le professeur d'arabe qui n'est pas un professeur de l'Education nationale, mais un enseignant payé par le Maroc.» Ce dernier, au lieu de rabrouer le jeune homme, s'est enquis des consignes de son imam. Auteur d'un livre sur l'Islam et la République, Jeanne-Hélène Kaltenbach, relate à la commission une anecdote du même ordre : «Voyez ce qui s'est passé dans le 20ème arrondissement de Paris, au lycée Martin-Nadaud : la prière a été demandée pendant un examen. La secrétaire du directeur, musulmane, s'est fait traiter de «pute» en arabe et le proviseur de «gros porc». Le garçon mis en cause a répondu qu'il ne parlait que cette langue. » Proviseur du lycée professionnel Ferdinand-Buisson d'Ermont, dans le Val-d'Oise, Micheline Richard a eu aussi une cureuse expérience: «Nous avons dû régler un problème sérieux cette année avec un jeune homme qui était la proie de personnes extrêmement dangereuses qui l'avaient endoctriné à la mosquée. Ce garçon avait d'énormes problèmes familiaux, il était en pleine crise mystique et se levait en cours pour tenir des propos incohérents. Qu'est-ce que j'ai fait ? J'ai dû lui dire qu'il était malade et qu'il fallait appeler le Samu. Voilà où nous en sommes rendus !» Un ancien recteur, Claude Durand-Prinborgne, est sidéré par la déviance de certains esprits : «Il est inadmissible d'avoir toléré dans nos lycées que des garçons écrivent sur les murs : «L'Islam vaincra! La France sera une République islamique», ou qu'ils se dressent dans une classe pour dire au professeur d'histoire en utilisant le tutoiement brutal : «Tu dis quelque chose qui est un mensonge!» ou : «Tu n'as pas le droit de parler du Coran parce que tu n'es pas musulman !». Quand on songe qu'il n'y a jamais eu la moindre sanction à l'égard de tels comportements pourtant avérés...» Un professeur du lycée Bron-Bâtiment, dans la banlieue de Lyon, rapporte une histoire sidérante dans des classes de bac pro : «Je présente les statuts juridiques des entreprises (...). Je me réfère à plusieurs exemples, dont celui de France Télévision, que je mets en parallèle avec les chaînes de télévision privées, TF1, Canal +. Un élève intervient dans la classe pour dire : «De toute façon, monsieur, je ne regarde pas la télévision en France». Je lui demande pourquoi. Il me répond que c'est une télévision aux mains des Juifs ! Il est soutenu par d'autres garçons qui considèrent qu'il y a là des télévisions «impies». Roland Jouve s'inquiète du «refus d'un certain nombre d'enseignements » : «Refus par exemple des sciences de la vie (...). Refus dans des cours d'histoires(...). Nous avons l'exemple typique de l'enseignement de la Shoah avec le développement des thèses négationnistes (...). Des tensions peuvent naître à l'occasion d'un enseignement sur les croisades ou sur l'Islam au VIIIème siècle. C'est alors l'autorité même de l'enseignant qui est remise en cause.» Hubert Tison, secrétaire général de l'Association des professeurs d'histoire et de géographie, estime qu'«il y a plus dangereux encore»: Des tentatives d'ingérence soit d'organisations, soit de personnalités religieuses ou politiques, se font jour dans les contenus d'enseignement ou dans la formation des maîtres. Beaucoup de professeurs font face à ces incidents, d'autres craquent ou passent vite sur les faits controversés.» La médiatrice de l'éducation nationale, Hanifa Cherifi, connaît le problème sur le bout des doigts : «Dans certains établissements, les enseignants nous disent qu'ils n'osent plus enseigner la Shoah, la laïcité, les textes de Voltaire.. C'est vrai et c'est faux parce que les établissements scolaires n'osent plus enseigner quoi que ce soit dans certains quartiers (...), même plus les mathématiques». Proviseur du lycée Turgot, dans le 3ème arrondissement de Paris, Thérèse Duplaix constate la propagation du prosélytisme dans son établissement : «Des jeunes filles se disent menacées physiquement si elles parlent à un camarade d'une autre communauté.» Ces tragédies donnent parfois lieu à des scènes cocasses : «Cette année scolaire encore, j'accuse un élève de prosélytisme après avoir découvert qu'il transportait dans le lycée des manuels écrits religieux et qu'il proposait aux élèves de prier pour obtenir de bons résultats scolaires. Il me répond le lendemain , après réflexion : «Madame, je vous assure, je ne fais pas de proxénétisme.» On pourrait en sourire. Mais la situation ne s'y prête guère. D'autant que l'Education nationale est loin d'être le seul terrain où se déroule l'offensive. Les islamistes sont déjà là Albin Michel 349 pages 19,50 euro