Natif d'Oujda, proche du président Abdelaziz Bouteflika, Chakib Khalil, ministre algérien de l'Énergie et des Mines, croit fermement à un partenariat énergétique entre le Maroc et l'Algérie, indépendamment des relations politiques marquées par une tension permanente. Aujourd'hui Le Maroc : De nouvelles perspectives sont ouvertes plus que par le passé en matière de coopération énergétique entre le Maroc et l'Algérie. C'est du moins ce qui ressort de vos propos devant la délégation marocaine… Chakib Khalil : Les possibilités d'échange existaient par le passé sauf que les considérations politiques ont influé sur les relations économiques. Ces échanges, il est vrai, ont baissé au fil du temps et des aléas politiques. Aujourd'hui, nous voudrions reprendre les échanges qu'on avait il y a dix ans dans tous les domaines liés à l'énergie. D'autant plus que le monde a changé avec la mondialisation et la naissance de regroupements économiques forts comme l'Union européenne. Nous avons en ce qui nous concerne l'Union du Maghreb qui est en train de se développer. L'UMA est toujours en panne… L'UMA est en train de trouver sa voie. Il faut bien sûr la renforcer. Et nous sommes là pour ça. Dans ce sens, le secteur énergétique peut être un formidable facteur de rapprochement. Le Maroc et l'Algérie sont en train de réaliser l'interconnexion électrique. Pour ce qui est du gaz naturel, nous avons eu des échanges. Nous espérons que ces derniers prendront à l'avenir plus d'envergure. Donnons une chance à la concrétisation de projets de ce style pour profiter mutuellement du potentiel énorme offert par ce secteur stratégique. Justement, le gazoduc Maghreb Europe (GME) que le Maroc appelle de ses vœux depuis des années n'a toujours vu pas le jour... La volonté existe des deux côtés. Il faut seulement mettre en place un programme clair avec des délais précis…On peut même aller plus loin et créer une société mixte maroco-algérienne de droit privé dans le domaine de l'exploration à la production. Une expérience que nous avons tentée de manière concluante avec nos voisins tunisiens. Dans le domaine de la distribution du gaz, l'Algérie a déjà réalisé des investissements importants en Espagne. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas entreprendre la même chose au Maroc, qui est notre voisin, pas seulement en tant que fournisseur mais nous voulons également participer dans la mise en place du système de distribution et la réalisation d'investissements en matière électrique. Comme vous le savez, l'Algérie est le deuxième exportateur mondial du GNL (gaz naturel liquéfié). Si on ne peut pas faire un gazoduc pour relier la raffinerie avec le GME, on pourrait connecter directement le GME à la raffinerie. Nous souhaitons aussi que les opérateurs privés marocains signent des accords de partenariat avec leurs homologues algériens. Ce n'est pas les idées et les projets qui manquent. Tout cela est beau. Mais pensez-vous qu'une véritable coopération économique large et efficace soit possible tant que l'affaire du Sahara marocain continue à empoisonner les relations maroco-algériennes ? Ce n'est pas parce qu'on a des problèmes qu'on doit arrêter la dynamique économique et commerciale. Malgré les malentendus politiques qui existent, j'ai rencontré à plusieurs reprises mon collègue et ami Mustapha Mansouri. En tant que département de l'Energie, nous avons décidé de travailler ensemble dans l'intérêt des deux parties. En votre qualité de président du groupe des pays arabes producteurs du pétrole au sein de l'OPEP, que pensez-vous de l'utilisation de la carte pétrolière pour peser politiquement dans les événements dramatiques que vit la Palestine ? Le pétrole est une arme à double tranchant que les pays arabes producteurs de pétrole ont déjà utilisé par le passé. La crise de 1973 a poussé les pays industrialisés de mettre en place des stratégies de diversification de leurs sources d'énergie. Il n'est donc pas certain que nos objectifs soient atteints par l'utilisation de nouveau de cette arme. Et puis, il n'y a pas que les pays arabes qui produisent le pétrole. D'autres pays membres de l'OPEP ont la possibilité de nous remplacer au cas où … et de montrer que ce sont des partenaires fiables sur lesquels le monde industrialisé peut compter. Non, la carte pétrolière comme moyen de pression dans le conflit du Proche-Orient est contre-productive dans tous les cas de figure.