Le moussem d'Al Ansra est une fête de la mer célébrée dans la joie et la convivialité. Considéré comme un patrimoine culturel et méditerranéen, ce moussem, qui rassemble un grand nombre d'habitants des différentes localités rurales de la province de Fahs- Anjra, se déroule sur la belle et paradisiaque plage de Ksar Al Majaz. «Al Ansra qui a lieu chaque année le 7 juillet dans la commune de Ksar Al Majaz fête la fin de la saison agricole et le début de la période estivale. Les festivités organisées à cette occasion se déroulent sur la plage, qui connaît effectivement une grande affluence des habitants ruraux et ceux des villes avoisinantes telles que Tétouan, Larache, Tanger et Chefchaouen», explique Abdelouahid El Hichou, directeur général du Festival d'Al Ansra créé il y a deux ans et visant à préserver cet important patrimoine culturel dans la province de Fahs Anjra. Al Ansra est, selon l'histoire, une ancienne tradition apportée par les Morisques chassés d'Espagne et qui ont choisi, il y a plus de cinq siècles, de s'installer dans la province rurale de Fahs Anjra. «Cette tradition est typiquement méditerranéenne. La province rurale de Fahs Anjra, dont 80% des habitants sont des Morisques, tente de préserver cette tradition ancestrale à travers l'organisation, du 7 au 9 juillet, et depuis deux ans, d'un festival annuel portant le nom d'Al Ansra. Elle est célébrée le 25 juillet comme une fête de la mer dans plusieurs autres pays européens ou arabes de la Méditerranée. Ce moussem est fêté dans d'autres régions marocaines sous différentes appellations telles que Twiza et Lama», précise M. El Hichou. Pour la préservation de ce patrimoine culturel, les responsables et les représentants de la société civile de la province de Fahs Anjra cherchent à travers le Festival d'Al Ansra à encourager les habitants de la province rurale de Fahs Anjra à célébrer cet événement comme il se doit. Et comme par le passé, «la plage commence, pendant le moussem d'Al Ansra, à connaître une véritable affluence depuis le matin, avant qu'elle soit noire de monde vers le début de l'après-midi», confie M. El Hichou. Les anciens campagnards de la région indiquent que les agriculteurs et les autres membres de leurs familles célèbrent cet événement dans la joie en signe de reconnaissance, de remerciements et d'amour à Dieu pour la bonne récolte obtenue en fin de saison agricole. «Les habitants portent à cette occasion leurs beaux vêtements et descendent sur la plage. La tradition veut que les agriculteurs se réunissent pour partager ensemble les différentes festivités organisées lors d'Al Ansra», affirme M. El Hichou, faisant remarquer que «Al Ansra constitue pour les hommes et les enfants la meilleure occasion pour nager. Les agriculteurs n'oublient pas d'y ramener avec eux quelques bétails ayant aidé dans les différentes tâches agricoles dont la moisson et le labour de la terre. Ces bétails ont, eux aussi, droit au jeu des vagues pratiqué sur la plage. Quant aux femmes et jeunes filles rurales, issues des familles traditionnelles, elles ne s'empêchent pas de se prêter à ce jeu tout en gardant leurs tenues traditionnelles. Elles ont l'habitude d'y mouiller leurs pieds jusqu'aux genoux». Pour renforcer l'ambiance festive d'Al Ansra, plusieurs groupes folkloriques locaux sont invités à prendre part à cet événement. «Toutes les activités programmées aussi bien sur la plages que sur les barques en mer sont animées par les groupes musicaux locaux tels que les ensembles de Taktouta jabalia, de Ghayta, de Hassada (moissonneurs). Les visiteurs peuvent ainsi découvrir les répertoires propres à ces provinces rurales», dit M. El Hichou. En plus de la natation, Al Ansra constitue, pour les habitants ruraux, une opportunité pour pratiquer la régate sur des bateaux de pêche utilisés chaque année pour cet événement. «En s'adonnant à cette activité maritime, les anciens morisques- qui ont abandonné par force tous leurs biens- expriment leur nostalgie de leur vie en Andalousie et leur souhait d'y retourner un jour», révèle M. El Hichou. Ce dernier poursuit que ces activités ont continué à se pratiquer dans cette province rurale jusqu'à l'an 89, où une soixante- dizaine de personnes ont péri dans le naufrage d'un bateau alors qu'ils prenaient part à cette fête populaire. «La population de cette province n'a pas pu pendant longtemps se remettre de cette catastrophe et oublier ce triste souvenir. L'organisation l'année précédente de la première édition du Festival d'Al Ansra a encouragé les habitants à renouer avec une tradition ancestrale», raconte M. El Hichou. Certains habitants disent continuer à pratiquer quelques habitudes spécifiques à cet ancien moussem, comme le petit morceau de sucrerie acheté lors de cette fête et gardé pendant une année parmi les objets en or et argent à la maison. Quant aux vrais Morisques, ils ne cachent pas leur fierté que cette tradition apportée par leurs ancêtres continue à susciter l'intérêt et rallier les agriculteurs de la province.