Des témoins à charge qui refusent de témoigner, un procès ajourné en raison de l'absence des accusés. Le tribunal international chargé de juger les auteurs du génocide rwandais vient une nouvelle fois de dévoiler ses failles. Dix témoins à charge du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPR) ont déclaré jeudi qu'ils « ne voulaient plus coopérer avec le tribunal et ne témoigneraient pas ». Cette décision, qui pourrait paraître surprenante, intervient en fait après plusieurs polémiques liées à l'instance onusienne. Une audition particulièrement controversée, survenue à la fin de l'année 2001 lorsque des juges du TPR avaient ri pendant le témoignage d'une victime de viol, aurait poussé les dix témoins à se rétracter. Rapporté par les agences de presse africaines, dont Hirondelle, cet incident avait déjà conduit des organisations de rescapés du génocide au Rwanda à exhorter leurs membres de ne plus coopérer avec le TPR, qui siège à Arusha, en Tanzanie. Les 10 réfractaires devaient pour leur part témoigner au procès de Butare (Sud du Rwanda) chargé du cas de six individus accusés de crimes de génocide dans cette région. Leur décision de ne pas témoigner « est probablement liée à cet événement» qui s'est produit au TPR à la fin de l'année dernière, a confirmé le porte-parole du tribunal, Kingsley Moghalu, sans préciser s'il y avait eu des cas similaires de défection à l'instance onusienne. Deux organisations de femmes rescapées du génocide, Ibuka et Avega, avaient également suspendu leur coopération avec le TPR en janvier, avant de la reprendre à la suite d'un accord entre le tribunal et le gouvernement rwandais. Cet accord prévoyait la mise en place d'une commission conjointe chargée d'enquêter sur les allégations de mauvais traitements des témoins. La commission devait commencer à travailler lundi dernier mais elle n'a pas pu débuter ses travaux en raison d'un désaccord sur son mandat. L'autre grand procès actuel du TPR a été ajourné mercredi après une seule journée d'audience. Les quatre officiers supérieurs rwandais poursuivis pour génocide ayant tout simplement boycotté la première séance. Le colonel Théoneste Bagosora, considéré comme l'un des principaux organisateurs du génocide, le lieutenant-colonel Anatole nNengiyumva, le major Aloys Ntabakuze, et le général de brigade Gratien Kabiligi, sont tous poursuivis pour génocide, entente en vue de commettre le génocide et crimes contre l'humanité. Après avoir annoncé qu'ils plaidaient non coupables, ils ont refusé mardi de se rendre au tribunal d'Arusha, et sont restés dans leur cellule. Dans une lettre adressée à la chambre, les quatre officiers ont dénoncé les pratiques de l'accusation qui « ne veut pas mettre à (leur) disposition le temps et les facilités nécessaires à la préparation de (leur) procès ». Le TPR a été créé en 1994 par l'ONU pour juger les responsables présumés du génocide rwandais. Il n'a à ce jour prononcé que neuf verdicts dont un acquittement alors qu'une cinquantaine de suspects – dont de hauts responsables rwandais - sont toujours détenus dans le centre de détention du tribunal à Arusha. Un million de Tutsis et de Hutus modérés ont été massacrés par des extrémistes Hutus, miliciens et soldats, entre avril et juillet 1994, au Rwanda.