Acquérir la langue de Molière n'est pas une tâche aisée, car plusieurs facteurs doivent contribuer à cet apprentissage. A commencer par un cursus scolaire consistant à partir des classes primaires. Cependant, la réalité en est une autre dans les écoles publiques marocaines. «L'enseignement de la langue commence officiellement et obligatoirement à partir de la 3ème année du primaire. Nonobstant, on peut introduire l'enseignement de quelques bases à partir de la 2ème année selon la disponibilité des enseignants», déclare Khadija Benchouikh, directrice de l'Académie régionale de l'enseignement et de la formation de Casablanca. Mais, le fait de commencer l'enseignement d'une langue étrangère à partir de la 3ème année ne peut qu'impacter le niveau des élèves et se répercuter sur les années scolaires qui suivent. A cet égard, Abdellah Baida, membre de l'Association marocaine des enseignants de français, indique: «le niveau de l'enseignement de la langue française est en rapport avec le niveau général de l'enseignement de toutes les matières dont on constate la baisse». Cette baisse est due, aux yeux de M. Baida, au changement historique du statut de la langue française (cf. encadré et entretien). D'autres facteurs contribuent à cette baisse de niveau. Les classes surchargées et le manque de professeurs de français sont, entre autres, des conditions défavorables qui ne permettent pas d'assurer une bonne qualité d'enseignement. En outre, parfois les enseignants dans les classes primaires communiquent en langue arabe avec les élèves pour leur donner les cours de français. Ceci se répercute, sans nul doute, sur l'avenir de l'élève qui risque de se voir privé de certaines opportunités d'emploi à cause du niveau bas en langue. Afin de pallier cette baisse de niveau, «il faut commencer par le primaire. Le programme conçu au primaire doit être conforme au vécu et au contexte socioculturel de l'enfant marocain», martèle Sanae Chraïbi, professeur de français au lycée Princesse Nouzha à Rabat. Contrairement aux écoles publiques, les écoles privées disposent de plusieurs atouts pour attirer les clients. Pour réduire l'écart entre les écoles privées et les écoles publiques, «il faut motiver celles-ci, alors pourquoi ne pas leur octroyer des prix et procéder à des classements qualitatifs», estime M. Baida. Et d'enchaîner : «il faut aussi plus de contrôle, lutter contre l'absentéisme des professeurs, vérifier les plannings et les optimaliser, éviter la multitude des vacances, organiser des visites officielles, etc.». Par ailleurs, on assiste à «une véritable crise de lecture. Les jeunes ne lisent plus avec l'avènement d'Internet», estime Mme Chraïbi. La responsabilité de cette crise incombe, selon M. Baida, aux enseignants, aux ministères de l'Education et de la Culture et à la famille. Dans ce cadre, plusieurs initiatives ont été entreprises pour inciter à la lecture. Ainsi, depuis 2001, le programme de l'enseignement secondaire a introduit la lecture d'une œuvre intégrale au lieu de textes fragmentaires issus du manuel scolaire. Cependant, «les élèves demeurent peu réceptifs à ces œuvres qu'ils n'assimilent pas car ils manifestent une sorte de résistance, un blocage dès le premier abord», explique M. Baida. A vrai dire, les élèves doivent être conscients du rôle de la lecture dans le développement de leurs compétences linguistiques et stylistiques. Pour leur part, les parents doivent contribuer à ce développement «en encadrant leurs enfants dans le choix des livres pour susciter le plaisir de lire. A son tour, l'enseignant joue un rôle déterminant à cet égard», souligne Mme Chraïbi. Par ailleurs, au sein même de l'école publique il y a eu une autre expérience qui avait permis à certains élèves de se rattraper pour améliorer leur niveau en langue et de découvrir la littérature française. Il s'agit de l'option langue française (OLF) qui était accessible aux élèves dès l'enseignement secondaire. Cette option a été ultérieurement «généralisée» avec quatre heures de cours seulement. «L'OLF était une très belle expérience. On aurait dû la maintenir avec sept heures. Et je suis vraiment déçue car ce privilège n'a pas été donné à tout le monde», déplore Mme Chraïbi. En effet, le fait de maintenir cette section aurait, certes, contribué à l'amélioration du niveau des élèves en langue et suscité leur plaisir de lire.