Dans une France en pleine campagne électorale, la série d'agressions contre des synagogues dans les villes de Lyon, Marseille, Strasbourg, apporte craintes et pain béni pour les politiques à trois semaines du grand affrontement électoral. Le président candidat Jacques Chirac qui a visité la synagogue du Havre, a estimé que «lorsqu'une synagogue est brûlée, c'est la France qui est humiliée, lorsqu'un juif est agressé, c'est la France qui est agressée». Il a placé son Premier ministre et concurrent pour les présidentielles, Lionel Jospin devant ses responsabilités en demandant le renforcement de la protection des lieux de culte juifs. Ce dernier d'ailleurs n'a pas manqué de surfer sur la même vague, qualifiant mardi les violences antisémites de «totalement scandaleuses et inacceptables» et annonçant par la même, l'affectation de 1100 CRS supplémentaires à la protection des lieux de culte juifs et la transmission d'«instructions pénales extrêmement fermes» aux procureurs par la garde des Sceaux, afin qu'ils soient «absolument sans pitié». Le candidat Jean-Pierre Chevènement, qui a visité en signe de « solidarité » la synagogue de Strasbourg a mis le doigt sur la plaie en estimant que « quand une synagogue est attaquée, c'est que la France va mal ». Des propos que vient étayer l'inscription « mort aux Arabes» peinte avec croix gammées sur un mur de la Grande Mosquée de Saint-Etienne. L'escalade de la violence dans les territoires occupés est venue mettre le feu aux poudres. Mais la mèche était déjà quasi-incandescente. Il y a quelques jours à peine, le rapport de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme en France ( CNCDH) mettait en garde contre l'installation d'un cycle de la haine en France. Les jeunes des banlieues que le rapport plaçait souvent à l'origine des actes antisémites, sont eux-mêmes victimes de racime à longueur de journée. Des jeunes, français, de parents français, longtemps maintenus totalement en marge du système, qui voient comme le soulignait le rapport de la CNCDH «dans le conflit du Proche-orient la reproduction des exclusions et des échecs dont ils se sentent eux-mêmes victimes en France». Ils ont fini par devenir des éléments facilement «récupérables», car «fragiles et marginalisés», tanguant entre une identité française inaccessible et des racines arabes introuvables qu'ils semblent chercher fébrilement à travers une judéophobie de principe. Une fabrication purement française, résultat de décennies d'exclusion.