ALM: Le titre de votre dernier album « LikOum » (Pour vous) est une contraction entre Lik (pour toi) et Oum. Parlez-nous en ? Oumelghait Ben Sahraoui : Avant que la chanson Lik (Pour toi) éponyme de l'album n'existe, «LikOum» le titre de l'album était déjà conçu. Cet album s'adresse à tous les gens qui l'attendaient depuis longtemps. C'est pour eux, pour tous ces gens qui me connaissent plus ou moins, et connaissent mon personnage, l'univers dans lequel j'évolue. La chanson «Lik» est une déclaration d'amour. Il m'a fallu un quart d'heure pour l'écrire tellement j'ai été inspirée en écoutant la musique. Elle a été composée par mon arrangeur Kermit, initialement pour un rappeur italien. J'ai aimé cette chanson et je me la suis appropriée. Lik n'était pas prévue, on l'a rajouté pour mon grand plaisir et cela a arrondi le chiffre des titres de l'album à onze titres. En écoutant cet album, on sent un peu une ressemblance avec la chanteuse américaine Erykah Badu? Cela me fait plaisir, c'est une artiste que j'aime beaucoup. Mais je ne pense pas que ma musique ressemble à celle d'Erykah Badu, pour la simple raison que la musique de LikOum est beaucoup plus facile, plus accessible et beaucoup plus commerciale. Mais certainement qu'Erykah Badu est quelque part parmi mes inspirations aussi bien que le gospel, le negro spirituel. Mais il n'y a pas que ça. Cet album, je l'ai conçu de manière très éclectique parce que je crois profondément que chacun de nous, artistes ou pas, a une quantité de personnages divers réunis en lui. Moi en tant qu'individu qui fabrique de la musique, je ne peux pas faire abstraction de ces personnages qui m'habitent. Je ne peux pas me limiter à un seul style. Parce que depuis que j'ai commencé à faire des titres comme «Dayem Lah», «Hamdoullah» et «Africa humility», les gens disent : «A chaque fois, cette fille arrive avec un single complètement différent», «Cette fille, où va-t-elle?». Moi, j'ai arrêté de me poser cette question depuis bien longtemps. Cet éclectisme dans votre album, est-ce un choix ? Oui, cette diversité et éclectisme sont un choix que j'ai fait aussi bien par rapport aux langues dans lesquelles j'écris mes textes que par rapport à mes goûts pour des musiques différentes. J'ai répondu à toutes mes envies dans cet album , je ne me suis pas privée. Cela est aussi dû à une autre raison. C'est qu'au Maroc, nous n'avons pas véritablement de marché du disque qui soit très contraignant. Le fait qu'un artiste ne peut pas arriver dans les bacs, être vendu s'il ne répond pas à tels critères, s'il ne rentre pas dans telle catégorie, cela n'arrive pas au Maroc. Parce que d'abord, ici, tout le monde s'autoproduit et très peu d'entre nous se vendent. Dans le meilleur des cas, on est diffusé sur la radio. Et puis la distribution c'est une autre histoire. Donc, je me suis permis de me faire plaisir avant tout, c'est un album que j'ai produit moi-même, où j'ai mis tout mon amour et tout ce que je suis. Je me suis avant tout fait plaisir pour donner du plaisir aux gens en m'écoutant ou encore mieux en me voyant sur scène. Donc c'est pour cela que je swingue entre la variété, le jazzy, le hip- hop, tri pop et même un morceau à la fin «Meni lik» avec le luth un peu oriental. Cette diversité est un choix, cela ne veut pas dire que mes futurs albums vont être faits de la même manière. Justement , parlons de votre prochain album. J'ai commencé à réfléchir au prochain album, et je sais que ce sera très différent. Un peu dans le genre de la chanson «Meni lik» avec le luth. Ce sera tout un album acoustique, spirituel, avec trois instruments. C'est dur, quand on est en studio, on a envie d'ajouter plein de choses, d'instruments dans une chanson. Mais les Anglais disent : «Less is more», et ils ont raison. Plus on fait moins, plus c'est meilleur. Et encore, j'ai envie d'être plus minimaliste dans mon prochain album. Vous avez un enfant âgé d'un an. Est-ce que votre vie artistique a changé depuis sa naissance ? Oui, ma vie a changé, il y a plus de contraintes. Mais cela est gérable. Je suis énormément aidée notamment lors de mes déplacements. Quand j'ai une tournée qui dure une semaine au maximum, je n'emmène pas mon fils. Quand il est question de plus de trois concerts et que cela commence à faire dix jours, deux semaines un mois, je le prends avec moi. Mais mon mari, Laurent, qui est aussi mon manager et producteur m'aide beaucoup et j'ai une dame qui s'occupe très bien de lui à la maison. Aussi, de temps en temps, mes parents viennent de Marrakech pour rester avec mon fils le week-end. Pour l'instant, c'est encore gérable, je ne sais pas comment cela se passera quand il ira à l'école. Mais je pense que je ne suis ni la première ni la dernière à faire ce métier et à avoir un enfant en même temps. Est-ce que la maternité a révélé en vous d'autres facettes, aussi au niveau artistique ? Toute la création de l'album LikOum, je l'ai faite dans cet état de future mère en étant enceinte. Et puis je pense que j'ai toujours été très maternelle avant même de devenir maman. Je suis très affectueuse et très tactile avec mes proches, amis et les musiciens avec lesquels je collabore. Et puis j'ai grandi comme cela. Je suis issue d'une famille chaleureuse où l'on témoigne beaucoup notre affection. Vous vous distinguez aussi par votre look. Y a-t-il un message derrière ? Je n'ai pas toujours le même look, parfois c'est très sobre parfois non. Mais, déjà, pour moi, il est très important de s'habiller spécialement pour la scène. Parce que je dois donner au public, en plus de la musique, la voix, et ce qui se passe visuellement sur scène, un personnage scénique qui soit plaisant, colorié et qui fasse rêver. Et puis en général, le message à travers mon look est celui de l'africanité. Je suis africaine, j'ai des origines du Sud, je suis sahraouie et j'aime bien que l'Afrique s'exprime en moi . C'est pour cela que je porte des turbans, et des couleurs un peu chaudes. J'assemble tout moi-même. Mais une grande partie de mes vêtements de scène, notamment mes bustiers et autres tenues perlées, est fabriquée par mon ami et styliste marocain de la haute couture Albert Waknin. Je porte aussi, mais d'une manière différente, des bijoux, des vêtements traditionnels issus de l'artisanat de Marrakech, la ville où j'ai grandi ou plus généralement du patrimoine marocain que j'aime montrer. Et puis même dans la vie de tous les jours, j'aime les couleurs.