La réunion du conseil national du PJD s'est terminée dans une confusion totale quand El Khatib a quitté la salle en piquant une colère noire. Le docteur semble avoir perdu toute emprise sur ses troupes. Les voix de l'aile radicale ont scandé haut et fort leur allégeance au Mouvement Unicité et Réforme (MUR) et plébiscité son président déchu Ahmed Raissouni. Un bras de fer qui lève le voile sur un radicalisme profondément ancré dans un parti qui se dit modéré. Le Parti de la Justice et du Développement (PJD) a réuni, samedi 5 juillet, son Conseil national à Rabat. L'ordre du jour, tel que préalablement annoncé par les instances dirigeantes du parti, devait être axé sur deux thèmes principaux : la situation politique générale du pays et le parti au lendemain des attentats terroristes de Casablanca. Les travaux du Conseil national, qui réunit plus de deux cent cinquante membres, ont débuté le matin avec une allocution du secrétaire général du PJD, Abdelkrim El Khatib, en présence des membres du secrétariat général. Une seule absence a été enregistrée parmi ces derniers : celle de Mohamed Khalidi. Parmi les assistants, figuraient aussi des invités de la famille de la Mouvance à savoir le secrétaire général du Mouvement Populaire National (MNP), El Mahjoubi Ahardane, le leader de l'Union Démocratique (UD), Bouazza Ikken, et le dirigeant du Mouvement Démocratique et Social (MDS), Mahmoud Archane. Dans son allocution, qui a été marquée par sa brièveté, le secrétaire général a passé en revue la situation actuelle du parti et les perspectives d'avenir. Mais, au début, il a tenu à préciser sa position sur les dernières déclarations de Mohamed Khalidi à «Aujourd'hui Le Maroc» et qui ont suscité plusieurs réactions de la part des membres du Mouvement Unicité et Réformes (MUR). À ce propos, El Khatib a précisé qu'il approuve les déclarations de Khalidi, qu'il considère un ami et un compagnon. Rappelons que ce dernier avait tracé dans son entretien les grandes lignes de la réforme que le parti devrait entreprendre dans l'immédiat pour faire face à l'hégémonie des militants du MUR sur ses instances et le danger que représente cette invasion du parti par ces intégristes tant au niveau national que régional. Une hégémonie dont le principal objectif était de barrer la route devant l'adhésion au parti de cadres n'appartenant pas au MUR. Un point qui a été soulevé par Dr El Khatib qui a appelé à "ouvrir les portes du parti à tous les Marocains désireux de rejoindre ses rangs". Après l'allocution du secrétaire général, plusieurs membres du conseil national ont pris la parole dans le cadre des débats. Des interventions qui ont été marquées par un discours pro-MUR et extrémiste. Pourtant, dans les coulisses, des informations avaient circulé sur l'intention du Dr El Khatib d'appeler lors de la déclaration finale de la nécessité de procéder à une séparation entre le MUR et le PJD. Selon des sources informées, ces informations auraient été infiltrées par certains membres du secrétariat général du parti et du bureau exécutif du MUR. Aussitôt que la rumeur a circulé, plusieurs assistants ont annoncé leur intention de saboter la déclaration du leader du Parti. Une promesse qu'ils ont tenue. Car, au moment où Dr El Khatib s'apprêtait à prononcer son discours de clôture des travaux, des membres du Conseil national l'ont encerclé et ont commencé à protester contre ses positions. Ensuite, un membre du bureau exécutif du MUR à savoir Cheikhi Abderrahim, ingénieur informaticien et cadre du ministère des Finances, a brandi une pancarte dans laquelle on pouvait lire en français : "MUR = PJD" et «Nous sommes tous Ahmed Raïssouni». D'autres militants du MUR scandaient «Raïssouni est notre leader". Ce geste a provoqué la colère du secrétaire général du parti qui a exigé la démission de ce membre du conseil national. Mais, les paroles d'El Khatib ont été chahutées par les adeptes de Raïssouni qui soutenaient le geste de Cheikhi. C'est alors que le dirigeant du PJD a annoncé que si le concerné ne démissionnait pas immédiatement, il allait se retirer de la salle. À ce moment-là, des voix se levèrent pour lui dire qu'il était préférable qu'il parte. Choqué par cette réaction, El Khatib s'est retiré sans prononcer son allocution finale. Après son départ, Cheikhi a annoncé à haute voix qu'il était fier de son geste et qu'il démissionnait du Conseil national du PJD tout en étant satisfait d'avoir réalisé "l'exploit" de provoquer le départ d'El Khatib. Certains membres du secrétariat général se dirigèrent ensuite chez Dr El Khatib pour lui annoncer la démission de Cheikhi et tenter de s'excuser pour les dérapages qui ont marqué les travaux de la session. Le déroulement des travaux de cette session n'a fait que confirmer le fait que le PJD a totalement été envahi par le MUR et que même le secrétaire général n'a plus de pouvoir décisionnel. Le parti est donc dirigé par le bureau exécutif du MUR. Une réalité que désormais personne ne pourra contester. Samedi donc, l'on a assisté à la naissance officieuse du "Parti Unicité et Réformes" et au déclin du PJD.