ALM : Le film « Kandisha » a reçu le soutien du fonds d'aide du CCM en juin 2006. Quelle phase de production a-t-il atteint actuellement? Jérome Cohen Olivar : On est actuellement en postproduction, phase finale du film. On a pris notre temps. Il me fallait laisser mûrir des idées et surtout apprendre. Parce que je suis aussi là pour apprendre. Notre point de départ était de faire un film marocain tout en levant un peu la barre par rapport à ce qui se fait nationalement. Ce n'est aucunement de la prétention mais c'est qu'on voulait réaliser un film ambitieux, et être au même niveau que les productions mondiales du même genre. Ainsi le film ne sera projeté nulle part ailleurs que dans le Maroc que ce soit dans le festival de Marrakech, Tanger ou autre. En tout cas notre ambition est que le film soit sélectionné au Festival international du film de Marrakech entre autres festivals. Votre film sera bientôt fin prêt. Mais on n'en a pas beaucoup entendu parler dans la presse pourquoi ? En fait c'est une stratégie. L'histoire du film est un peu tenue secrète. Ce n'est pas pour embêter le monde. C'est pour le bien du film. On est tous là pour servir le film aussi bien moi que la production notamment mon producteur Albert Lévy, l'équipe du film que mes amis. On essaie de protéger le film, de ne pas trop en dévoiler les détails. Alors de quoi est-il question dans le film ? Le film représente une métaphore sur le mythe de «Kandisha». C'est mon approche personnelle. Et puis elle vaut ce qu'elle vaut. C'est ma vision des choses. J'espère tout simplement que cela touchera le plus de monde possible. Il y a une poétique au niveau du traitement du film. En tout cas, ce dernier s'inscrit dans quelque chose d'assez mystique, surnaturel et fantastique. C'est un film de genre. C'est l'histoire d'un mystère. Le mythe de Kandisha est avant tout un mystère qu'il s'agit dans le film de perpétuer et cultiver. J'espère qu'après avoir vu le film, le spectateur continuera à y penser. Parce que si ce n'est pas le cas, c'est que j'ai mal fait mon travail. À entendre «Kandisha», on pourrait croire qu'il s'agit d'un film d'horreur. Qu'en est-il ? Justement «Kandisha» n'est pas un film d'horreur. Faire un film d'horreur sur Aicha Kandisha était l'approche la plus évidente, je dirais la plus «facile». Je ne peux pas trop la décrire. Cela enlèverait le goût au film. C'est aussi un film de femme et pour la femme. D'où vous êtes-vous inspiré pour réaliser le film ? Je pense que l'inspiration n'est pas quelque chose de ponctuel. C'est un ensemble de paramètres qui fait qu'a un moment donné, et après un long cheminement, on a une idée qui vient. C'est toujours quelque chose qui a été amené par un vécu en général. C'est le cumul de multiples circonstances. Il y a beaucoup de moi dans ce film. Et je pense que Kandisha cristallise un peu ce que j'avais envie de dire au niveau émotionnel et personnel à un certain moment. C'est un prétexte pour raconter une histoire. Un joli prétexte puisque pour moi ce mythe est magnifique. C'est un mythe qui vit encore et qui va continuer à vivre, à mon avis, même au-delà du Maroc. Le film réunis une palette d'acteurs aux noms relativement connus. Pourrait-on avoir un aperçu du budget du film ? Et pourquoi le choix de ces acteurs ? Comparé aux productions marocaines, c'est un film au budget conséquent. Mais dans le cadre d'une production européenne, c'est un petit film. En tout cas, on a eu les moyens qu'il fallait pour ce film et pas plus. On voulait qu'il soit le plus marocain possible tout en ayant un rayonnement international. Le défi était de faire un film marocain sans subir la pression et les influences de l'étranger. J'ai donc choisi l'actrice Amira Casar parce que personne ne peut vous dire vraiment d'où elle vient. C'est exactement ce qu'il me fallait. C'est le choix idéal pour incarner le rôle de Neila l'avocate, rôle principal du film. Saïd Taghmaoui est un acteur très actif un peu partout, en France, aux Etats-Unis et Maroc et qu'on ne présente plus. La star américaine David Carradine et les acteurs marocains Amal Ayouch, et le regretté Hassabne Skali figurent aussi au casting du film entre autres. Quand avez-vous vu feu Hassan Skali pour la dernière fois ? La dernière fois que j'ai revu Hassan Skali, c'était au festival de Marrakech 2007. Il était alors déjà revenu d'une opération du cœur. Il m'a serré dans ses bras. C'était comme une sorte d'adieu. C'était un monsieur qui dégageait une aura extraordinaire. C'est une véritable perte pour le cinéma national. Cela me fait tout bizarre, en le revoyant dans le film lors des séances de montage. On sent toujours son énergie. Heureusement qu'on a des images de lui. Dans le cinéma, ils vivent toujours. On fait d'ailleurs ce métier pour cela: parce qu'il a une dimension nostalgique.