Le mois sacré du jeûne est certes un moment privilégié pour précher sa bonne foi. C'est aussi une opportunité propice pour se faire de l'argent de côté ou subvenir à ses besoins quotidiens. Plusieurs métiers et commerces prospèrent. Ce sont souvent des petits métiers qui font le charme de ce mois et qui gravitent autour des rituels ou comportements enfouis dans notre imaginaire collectif : vendeurs de dattes, Sfanjis traditionnels , maquilleuses pour fillettes qui jeûnent pour la première fois, couturiers de jellaba pour les taraouihes ou l'Aïd, neffar de Ramadan, confectionneurs de moules à gâteaux, artisans couvreurs de toitures à la chaux pour décongestionner ou renforcer les toits de maisons , vendeuses de «khols» et «messouaks». Des commerces de circonstance dira-t-on mais lucratifs en fin de compte. Ce sont souvent des petits commerces informels qui fleurissent en particulier dans les quartiers populaires et endroits stratégiques. Les gains pour certains ne dépassent pas les 3000 DH. «El hamdou lillah, cela me permet d'économiser une somme pour l'achat de mes vêtements» et pour faire un voyage de quelques jours » rétorque Fouad, un licencié en économie qui n'a pas encore trouvé de travail stable. Le travail temporaire d'un mois peut rapporter gros pour certains. Les gains peuvent atteindre les 15000 DH cela dépend de l'emplacement et de la qualité des produits proposés. D'ailleurs plusieurs n'hésitent pas à louer des magasins ou transformer des garages pour proposer leurs produits ramadanesques. Ces derniers ne font pas cela pour la piété du mois. C'est pour bien arrondir leurs fins de mois. En parallèle les mutations socio-économiques qui ont accompagné le développement du pays ont modifié certains commerces. Les pâtissiers boulangers ont complètement adapté les «chhiouates» ramadanesques aux exigences de la vie moderne. Des gâteaux sans sucre, sans sels, moins gras; de diverses formes et contenances, pains en semoule, en blé dur ou tendre, pour remplacer les pains traditionnels ; sans pour autant pouvoir les remplacer. Il suffit de faire un tour au souk pour voir que le pain traditionnel est encore en vogue durant le mois du jeûne. «Il m'est inadmissible d'acheter un pain cuit dans un four électrique. Il n'est pas aussi délicieux que celui réalisé dans un four beldi.», explique Hassan Madani (un cinquantenaire) pour qui le pain traditionnel est irremplaçable. Les vendeuses de crêpes sont aussi légion durant ce mois. On les trouve surtout aux alentours des marchés, souks et endroits populaires. Elles excellent dans l'étalage de leurs délices et ne badinent pas avec la propreté. «Pas question de laisser sous le soleil et en plein air mes Khringous, mssemens, harchas et les feuilles de tride. Les clients sont exigeants de nos jours et ont peur des intoxications causées par des aliments non protégés», renchérit hajja Fatna une habituée à ce commerce depuis plus de trente ans et d'ajouter. «Le plus important est de fidéliser sa clientèle par la qualité du produit proposé. D'ailleurs la majorité des personnes qui achètent mes crêpes ne le font pas pour la première fois», rapporte t-elle avec fierté. «Je suis éperdument fière surtout que durant ce mois je double mes ventes. Cela me réconforte». Les prix de ces délices varient aussi selon l'aliment de base. Ceux faits à la manière du pain complet sont plus chers. D'autres sont confectionnés avec des ingrédients spécifiques à ceux des gâteaux Il y a des proportions qui commencent à obéir aussi à la demande. Les grands baghrires ou harchas ont cédé la place à des petits de moins de 15 centimètre de diamètre. Les prix n'ont cependant pas fléchis. Ils varient de 1 à 8 DH. A délice cuit délice frit comme la Chebbakia. Un métier qui a aussi évolué avec le temps. C'est le cas pour Haj Mohammed Lamsiyehe un ancien vendeur de beignets qui s'est converti en commerçant confirmé de Chebbakia, «au début je travaillais tout seul. Aujourd'hui et grâce à Dieu une vingtaine de maâlems travaillent avec moi durant ce mois sacré. Les commandes ont changé. Il y a des personnes qui préfèrent s'approvisionner pour tout le mois ou pour une semaine. D'autres optent pour un achat quotidien. Il y a ceux qui font des commandes avec des produits du terroir : miel pur, amandes beldies et smene entre autres. On essaie de s'adapter et de proposer des gâteaux à la fois ancrés dans nos traditions et réalisés avec de nouvelles recettes afin de diversifier l'offre». Les prix de la Chebbakia varient d'un quartier à l'autre. Le kilogramme a flambé cette année suite aux augmentations des prix qui ont touché les aliments de base: l'huile, le sucre et la farine. Ce qui se vendait à 18 DH l'année précédente est à plus de 24 DH. De ce fait les prix oscillent entre 24 et 80 DH. D'autres convoitises se vendent à plus de 200 DH le kilo. L'engouement pour ces produits est dû à deux facteurs pour Haj Lamsiyehe. D'abord les prix des ingrédients qui ne cessent de flamber. Ensuite les gens n'ont plus suffisamment de temps pour faire les gâteaux qu'ils préfèrent. Autrefois on faisait le «Kaâke» en groupe «touiza», ce n'est plus le cas de nos jours. Quant à Abdelkarim Sanni, artisan de «Souani» (plateaux pour gâteaux secs) au foundok Bouluize d'Oujda, il pense que son commerce marche encore durant le Ramadan. «La demande en plateaux de gâteaux de zinc et de récipients pour sauvegarder sellou augmente durant le mois sacré. Je fabrique en moyenne une quinzaine par jour et je les vends tous». Leurs prix varient entre 25 et 60 DH. La qualité du zinc est aussi un paramètre à prendre en considération pour déterminer le prix. Il est aussi possible de réaliser des plateaux selon les dimensions demandées par les clients : plateaux en zinc zingué sur 3 chants ou plateaux zinc zingué sur 4 côtés avec épaisseur variée. «Et c'est pour cela que les gens s'adressent à nous. Les produits usinés ne peuvent être modifiés», fait remarquer l'artisan du zinc.