Mustapha Belgaïd est connu dans l'Oriental pour sa bonté sur les terrains de football et son abnégation pour le sport. Durant quarante ans, il s'est sacrifié corps et âme pour que son équipe l'ASCRO relève le défi des équipes à faible budget mais qui forment en silence des joueurs qui ont fait les beaux jours d'autres équipes. L'homme bénéficie aussi d'une grande réputation d'humoriste désopilant aux répliques spontanées et au verbe qui secoue la torpeur végétative des situations insolites. Mustapha Belgaïd est devenu une icône humoristique qui s'est forgée une réputation de caricaturiste incisif des mœurs. Il est aussi critique mordant des comportements sociaux. Son registre de blagues puise ses références du quotidien. Sa technique d'orateur aux multiples détours consolide l'originalité et la singularité de ses propos. Haj Belgaïd passe au peigne fin la société qui nous entoure. Ses héros sont les personnes qu'il côtoie au souk, à la mosquée, au stade et surtout dans son coin de café habituel. Sa référence en la matière n'est autre que les cas qu'il a vécus en tant que fonctionnaire du ministère de la Santé et dirigeant chevronné durant une quarantaine d'années. «Tout a commencé dès mon jeune âge. Mes coéquipiers trouvaient amusantes mes interventions sur le terrain, par la suite lorsque je me suis converti en entraîneur puis dirigeant de l'ASCRO, mon registre d'investigation s'est enrichi. Le football en tant qu'école de vie qui nous met en face des situations connectant le comique et le bouleversant», rapporte Belgaid avec le recul du temps. Avec l'âge, il est devenu un homme sage et l'humour grinçant de la jeunesse a cédé la place aux répliques chatoyantes et aux réponses improvisées et dosées en humour sur les situations drôles ou insolites de la réalité. La répartie est devenue son art de persuasion même s'il n'a jamais étudié l'art de la blague. Excellant, à la perfection dans la technique des répliques légères et discrètes qui laissent éclater notre hilarité et qui nous fait autant de bien tout en procurant le rire à gorge déployée. Le rire pour Haj Belgaïd est une singulière thérapie qui s'administre gracieusement sans aucun palliatif pour contrecarrer les effets secondaires. Seulement il peut rendre dépendant. Une personne qui offre le sourire à flots et qui est réceptive à tout ce qui peut rendre heureux vit harmonieusement son âge. Et c'est le cas de ce septuagénaire aux interventions hilarantes qui vit discrètement son talent. En dépit de l'âge et des ressources limitées, il vit fièrement sa dignité d'homme qui est dans le besoin mais qui ne demande rien. «Haj Belgaïd est comme une bougie qui éclaire la morosité de la vie mais qui souffre dans son intimité les aléas du temps», rétorque son ami d'enfance et de toujours Mohammed Benguedda. Le fou-rire est pour lui une façon d'oublier et de se ressourcer. Le rire aux larmes égaye mais je sais qu'au fond de lui-même quelques larmes découlent de la source de la souffrance. Quant à Belgaïd, il explique que le comique sans détours est pour lui un mouvement vital à la pensée dans sa quête de stabilité. En caricaturant le quotidien, on provoque le spectacle de la dérision qui met en inadéquation l'émerveillement et l'uniformité avec les mécanismes de notre condition humaine. Tout rire est grisaille d'abord mais le sage est celui qui arrive à percevoir l'écho sonore de notre propre dérision. La maîtrise de son art s'est accentuée grâce à la réceptivité des autres qui le poussent à répliquer spontanément et à innover son registre burlesque. Tout se fait par le comique des mots et des phrases assassines. L'effet comique est produit par la parole adressée à une personne absente, dont il suppose qu'elle a parlé et qu'il lui répond. Plus souvent encore à tout le monde tout en feignant qu'il n'a rien compris. Le recours à la technique de la parodie consiste à ironiser sur les interventions de ses interlocuteurs ou sur les réactions communes à l'égard d'une situation d'actualité. L'originalité de cet humoriste hors pair réside dans le fait qu'il ne peut exercer son savoir-faire qu'avec ses amis. Avec les autres il est d'une extrême timidité.