En ce début 2016, le régime des retraites au Maroc a connu un chamboulement de taille. Il y a deux semaines, le Conseil de gouvernement a adopté un projet de loi modifiant et complétant la loi instituant le régime des pensions civiles. Selon les termes de ce projet de loi, les fonctionnaires ne devraient désormais partir à la retraite qu'à l'âge de 63 ans en 2019, au lieu de 60 ans actuellement. De ce fait, graduellement, les salariés du public qui auront atteint 61 ans en 2017 pourront s'éclipser, puis ceux ayant 62 ans en 2018 et enfin les fonctionnaires âgés de 63 ans en 2019. Une réforme qui aura comme conséquence l'augmentation de 20% à 24% des cotisations des quelque 400.000 fonctionnaires de la Caisse marocaine des retraites (CMR). Une mesure peu populaire et pourtant obligatoire. Il faut dire que selon le dernier constat chiffré, si rien n'est fait d'ici 2022, les réserves de la CMR s'épuiseront et 400.000 personnes seront privées de pensions. Etape 1 : Le relèvement de l'âge de départ à la retraite Conscient de l'importance de cette réforme des systèmes de retraite, le gouvernement a choisi de l'amortir en deux étapes. La première, d'une urgence capitale, vise à réduire le déficit chronique du régime des retraites civiles relevant de la CMR, à travers une réforme paramétrique. Celle-ci devra se traduire par le relèvement de l'âge de départ à la retraite à 61 ans à partir de janvier 2017, à 62 ans en 2018 et à 63 ans en 2019. Par la suite, une étude sera lancée pour examiner la nouvelle situation financière du régime des retraites civiles. Dans la même lancée, la durée minimale de travail effectif exigée pour le départ à la retraite anticipée passera de 15 à 18 ans pour les femmes et de 21 à 24 ans pour les hommes. D'autres mesures sont prévues, notamment la hausse de la participation de l'Etat et des adhérents de 4 points sur 4 ans à partir de la date d'entrée en vigueur de la réforme. Aussi, le calcul de la pension devra se baser sur le salaire moyen des 8 dernières années de façon progressive pendant 4 ans à partir de janvier 2017. Ainsi, le taux annuel de calcul de la pension passera de 2,5 à 2% pour les droits acquis à partir de la même date. Cette reconfiguration des systèmes de retraite permettra, également, d'augmenter la valeur des pensions minimales de 1.000 à 1.500 dirhams par mois de façon progressive sur trois ans à partir de la date d'entrée de la réforme. En parallèle, le gouvernement devra lancer le chantier d'élargissement de la couverture, notamment à travers deux projets de loi visant la création d'un régime pour les indépendants et un autre pour les personnes exerçant des activités non rémunérées. Ces deux régimes concernent une population active de 3 millions de personnes. Les deux projets de loi seront présentés avec les autres textes relatifs à la réforme du régime des retraites civiles. Etape 2 : Fragmenter le système des retraites Dans une deuxième étape, le gouvernement mettra en place deux grands pôles de retraites. Le premier concerne le système civil relevant de la CMR et du RCAR en tant que système de base et complémentaire. Le deuxième, privé, sera géré par la CNSS, en plus d'un régime complémentaire. Une réforme difficile mais vitale Le Fonds monétaire international (FMI) avait recommandé, en date du 17 novembre 2015, au gouvernement marocain de lancer rapidement une réforme des régimes des retraites. «La réforme du régime des retraites est urgente au Maroc. Les caisses de retraites accumulent les déficits», avait déclaré, à ce sujet, le chef de la mission de consultation du FMI, Jean-François Dauphin. «Chaque jour qui passe fragilise davantage le système», a-t-il ajouté, notant que cette réforme qu'il a qualifiée d'importante devra «assurer la viabilité du système des retraites et élargir sa couverture à davantage de citoyens». Dans ce sillage, le gouvernement avait saisi le Conseil économique, social et environnemental (CESE) pour émettre des recommandations sur cette question. Cette instance consultative a rendu son avis, le 31 octobre 2015, confirmant l'«urgence» de cette réforme et recommandant de relever progressivement l'âge de la retraite de six mois chaque année jusqu'à le fixer à 63 ans. C'est ainsi que le gouvernement marocain avait annoncé depuis 2013 que le trou de la sécurité sociale devenait plus béant chaque année et a plaidé pour des mesures drastiques pour sauver les caisses sociales. En ce sens, le ministre de l'économie et des finances, Mohamed Boussaid, a expliqué que le déficit des caisses de retraite, résultant de l'écart entre les cotisations et les pensions, est estimé à 3 milliards de dirhams en 2015 et devrait atteindre 8,6 milliards de dirhams en 2016. Il a même prévu un épuisement des réserves des caisses de retraite à l'horizon 2020, d'où l'urgence d'une réforme de ce régime. De même, le ministre a tenu à préciser que cette réforme concerne uniquement quelque 800.000 employés de la CMR.