ALM : D'où vous est venue l'idée de créer ce circuit touristique ? Imane Chafchaouni : L'Association Ibn Al Baytar œuvre depuis une vingtaine d'années pour la préservation de l'arganeraie et son reboisement, et dans le développement social des ayants droit de l'arganeraie par la création de coopératives de concassage, de production de l'huile d'argan, et de valorisation des plantes aromatiques et médicinales. Nous avons structuré la filière de l'huile d'argan afin que les bénéfices de la vente retournent aux villageois et aux femmes productrices. Et cela fait une dizaine d'années que nous travaillons à Mesguina : formation des femmes, création de coopératives, création d'un centre de production de l'huile d'argan à Azrarague, accompagnement de la coopérative des femmes de Tighanimine dans le développement commercial, certification commerce équitable Fairtrade par Flo-cert, initiation de l'association Mesguina des ayants droit de l'arganier (AMADA), etc. Le Pr Zoubida Charrouf, présidente de l'association Ibn Al Baytar, a passé de nombreuses années à travailler dans la région avec des contacts constants avec la population locale ainsi que les structures d'hébergement. C'est ainsi qu'elle a eu l'idée de développer une autre source de revenu pour la population locale à travers un projet touristique. Cette idée a été développée lors d'une étude de terrain puis présentée à des bailleurs de fonds. Le programme ACCN de la GIZ nous a très rapidement soutenus et nous avons réalisé ensemble le concept du projet. Quels sont les potentiels que ce circuit touristique permettra de mettre en avant ? Le circuit que nous proposons peut aller de trois heures à trois jours. Il est de 33 km. Il met en avant différentes potentialités de cette zone. Il permet de faire des randonnées au niveau de l'arganerie, au bord de l'oued et de la vallée. L'emplacement géographique donne de ce fait une multitude de choix aux intéressés. La route de Mesguina existe depuis les Romains selon les historiens. Cette route a été le seul passage naturel qui reliait l'Afrique subsaharienne au nord du Maroc. Les différentes dynasties ont protégé ces caravanes tout en leur faisant payer un droit de passage. Nous retrouvons aussi sur les lieux les vestiges de casernes militaires. Les douars nichés sur les montagnes ont été des tours de surveillance et de cette route et du bord de la mer puisque cette zone a été très convoitée. De ce fait, ce circuit met en avant l'histoire, la faune, la flore, la géologie, le savoir-faire matériel et immatériel ainsi que les coopératives d'argan et les produits de l'artisan local. Qu'en est-il de la commercialisation ? Nous avons rencontré les agences de voyages qui s'occupent du marché du tourisme durable et qui sont très intéressés par la commercialisation de ce circuit. Certaines ont déjà envoyé leurs professionnels pour découvrir ce circuit. Nous allons mettre en place un site web et faire appel aux réseaux sociaux comme nous travaillons dans ce volet avec le Conseil régional du tourisme. En matière d'infrastructures d'accueil, nous travaillons sur la mise en place de maisons d'hôtes et de restaurants tout au long du circuit pour en faire profiter la population locale directement. Où en êtes-vous dans les phases de mise en place de ce circuit ? Ce projet est planifié sur 3 ans et nous en sommes à la première année. Nous sommes en train de finaliser le circuit qui sera présenté prochainement aux agences de voyages à Agadir ainsi qu'aux tour-opérateurs. Cet événement est préparé conjointement avec le Centre régional du tourisme et le RDTR. Cette année Mesguina a été distinguée au Salon international du tourisme «World Travel Market» par l'écolodge Atlas Kasbah qui a eu la clef verte et qui se trouve dans cette localité. En parallèle plusieurs actions de formation ont été réalisées et sont prévues dans les semaines à venir pour former la population locale à l'écotourisme. Nous accompagnons également l'Association Mesguina des ayants droit de l'argan, bénéficiaire du projet, dans sa structuration et pour pouvoir accueillir les premiers touristes. Des études sur l'assainissement des douars, sur l'environnement et sur la vulnérabilité du territoire sont en cours de finalisation. Nous travaillons activement sur la signalisation et le balisage afin de le mettre en place d'ici la fin de l'année. Qu'en est-il du financement ? Le Programme ACCN finance une partie du projet tandis que d'autres activités sont financées par l'ANDZOA, les Eaux et Forêts, la commune de Drarga et la fondation Mitsui pour l'environnement. Avez-vous déjà travaillé sur la mise en place de ce genre de projet ? Nous avons réalisé de nombreux projets de développement : reforestation de l'arganier, lutte contre l'analphabétisme, structuration de la filière de l'huile d'argan, et celui-là sera notre projet pilote dans l'écotourisme. Nous avons comme ambition de le dupliquer dans différentes parties de la réserve de biosphère de l'arganier.