Les prisons sont-elles devenues des foyers de sida ? Les statistiques officielles ont réellement de quoi inquiéter. Le ministre de la santé annonce que les détenus atteints de VIH (virus provoquant le sida) peut aller jusqu'à 2,5% de la population carcérale. Un taux qui est loin d'être anodin vu le risque de propagation de la contagion en milieu carcéral. L'annonce a été faite par le responsable gouvernemental lors du colloque national sur la santé dans les prisons. «Prenant en considération la hausse de la propagation du VIH dans les prisons qui varie entre 0,5 et 2,5% selon les études menées par le ministère de la santé, nous avons programmé une enveloppe budgétaire supplémentaire de 2,5 millions de dirhams au cours de la période 2015-2017 pour le renforcement des activités de sensibilisation pour la lutte contre le sida et les infections sexuellement transmissibles», affirme El Houssaine Louardi, ministre de la santé. Mais le sida est loin d'être le seul risque de santé en milieu carcéral, d'autres maladies infectieuses sont très répandues, notamment la tuberculose. La situation est telle que la Délégation générale à l'administration pénitentiaire et à la réinsertion (DGAPR) a sollicité le ministère de la santé d'organiser un colloque national sur la santé en prison. «En plus de la prévalence plus élevée de certains problèmes de santé en milieu carcéral, la qualité des prestations sanitaires et l'intégrité du personnel soignant sont souvent critiquées», expliquent les responsables de la DGAPR. Actuellement, le système sanitaire mis en place par la délégation emploie 155 médecins et chirurgiens-dentistes, 44 psychologues et 410 infirmiers. De même, le ministère de la santé ajoute que tous les détenus sont couverts par le Ramed (Régime d'assistance médicale aux démunis).
Critiques du CNDH Pourtant, le système de santé est régulièrement pointé du doigt dans les centres pénitentiaires du pays. Le CNDH (Conseil national des droits de l'Homme) avait critiqué dans l'un de ses rapports l'insuffisance des moyens mis en place pour la prise en charge médicale des détenus. «Le Conseil note l'insuffisance de la prise en charge médicale et de moyens de traitement adaptés aux patients souffrant de maladies chroniques (malades atteints du VIH, du cancer, d'insuffisance rénale) et dont l'état nécessite une hospitalisation et des interventions urgentes à même de préserver leur vie», notait le rapport. «Outre le faible niveau de coordination entre les départements concernés (hôpitaux, établissement pénitentiaire, ministère public), les hôpitaux refusent dans la majorité des cas de recevoir ces patients, en raison de l'indisponibilité des places et de l'insuffisance du budget nécessaire pour assurer les soins aux détenus ne disposant d'aucune source de revenus», ajoutait la même source. De leur côté, les responsables que ce soit au sein du ministère de la santé ou ceux de l'administration pénitentiaire semblent être conscients de l'ampleur des défis. D'où l'organisation du colloque national. «Les responsables du ministère de la santé et ceux de la DGAPR sont, eux-mêmes, conscients des défis et du potentiel d'amélioration de leurs actions conjuguées, notamment en matière d'accès à d'autres services de prévention (maladies non transmissibles, santé maternelle et infantile…), de conditions de prise en charge hospitalière, de couverture médicale et de gouvernance de ce système de prise en charge», déclarent les organisateurs. Le ministe a annoncé au cours de la séance d'ouverture du colloque qu'une commission technique regroupant toutes les parties prenantes vient d'être créée. Elle a pour tâche de repenser le système de santé dans les prisons… Tout un chantier.